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Le 'Droit collaboratif' ou un avenir alléchant pour notre exercice

Marie-Pierre LAZARD, élue FNUJA au Conseil National des Barreaux, fait le point sur le Droit collaboratif.
Tout comme le projet de RTOA, ce concept, qui fait de plus en plus parler de lui depuis les travaux de la Commission GUINCHARD, apparaît comme un mode alternatif de réglement des litiges susceptible de satisfaire à la fois les parties, l'Etat (pour qui toute procédure permettant de désengorger les tribunaux - et donc de limiter les investissements... - apparait comme du pain béni) mais aussi les Avocats !



Le 'Droit collaboratif' ou un avenir alléchant pour notre exercice
Ce processus, pratiqué depuis longtemps aux Etats-Unis et au Canada, avec un fort taux de réussite, commence à se développer en Europe et notamment en France, en Grande Bretagne et en Autriche.

Actuellement, trois barreaux ont organisé de telles formations dispensées par trois spécialistes canadiennes, à savoir Paris, Lille et Nice.

Pour l'heure, 400 praticiens ont été aguerris au droit collaboratif sur l'ensemble du territoire.

Nous sommes donc les pionniers dans notre pays de ce processus, qui se développe principalement en matière familiale pour le moment, mais qui devrait ensuite concerner d'autres matières telles que le droit du travail ou encore le droit des sociétés.

Ce droit s'adapte tout particulièrement à l'actuelle déjudiciarisation prônée par la commission GUINCHARD, en qualité de solution intelligente préconisée par la profession.

Cette introduction en France ne nécessite aucune modification législative et présente de nombreux avantages par rapport à la négociation classique à laquelle nous avons eu recours jusqu'à présent dans le cadre des divorces par consentement mutuel ou des requêtes conjointes introduites par des concubins séparés.

Pour promouvoir et développer le droit collaboratif en France, une Association des praticiens français du droit collaboratif va être constituée lors des 5ème Etats Généraux du droit de la famille qui se tiendront à Disneyland les 29 et 30 janvier 2009.

Cette association s'inscrira dans une étroite collaboration avec l'IDPF (Institution du Droit de la Famille et du Patrimoine) et l'IACP (International Academy Of Collaborative Practionners).

Son but sera d'être une structure de référencement, d'information et d'uniformisation des pratiques en France et aura des antennes dans chaque région ou grande ville de France.

Je ne peux qu'encourager le maximum de confrères, et notamment les plus jeunes d'entre eux, puisqu'il s'agit d'avenir, à se former, afin d'obtenir l'agrément et de mettre en œuvre, le plus souvent possible, ce processus.

Il s'agit naturellement de rechercher l'apaisement et la collaboration active des parties, ce qui permet d'assurer une efficacité des décisions dans le temps, une bonne adhésion de la part des membres de la famille concernée.

Le principe

La place des deux avocats dans ce processus est cruciale, mais elle consiste en une assistance active uniquement, laissant la libre initiative et la maîtrise du processus aux clients.

Les conseils veillent à ce que leurs clients respectifs se respectent réciproquement, fassent part de vœux justes, communiquent en toute bonne foi l'ensemble de leurs pièces et respectent le temps nécessaire à chacun pour arriver à un accord.

Ce processus peut faire appel à un ou plusieurs experts, choisis en commun par les parties, pour intervenir lorsque cela est nécessaire dans les prises de décisions (il peut s'agir par exemple d'un psychiatre, d'un expert comptable, d'un notaire, ou d'un fiscaliste etc…).

Ces experts, comme les deux avocats, s'engagent à se décharger complètement et irrévocablement du dossier dans l'hypothèse ou le processus n'aurait pas permis de parvenir à un accord, ou bien dans le cas où le juge aurait été saisi brutalement et en tous cas de manière non consensuelle, ou encore dans le cas où il est découvert en cours de route, que le recours à cette méthode était abusif pour une partie (par mauvaise foi ou de façon dilatoire).

Ceci s’avère particulièrement intéressant lorsqu'un client engagé dans un processus collaboratif oublie pourquoi il a choisi cette procédure, lorsque la colère le reprend, ou lorsqu’il menace de lancer un contentieux.

En effet, le simple fait de lui rappeler que dans ce cas, son avocat, sera obligé de se retirer du dossier, suffit souvent à débloquer la situation.

L'ensemble des participants acceptent que les meilleurs résultats ne peuvent être atteints que si les besoins et les intérêts des deux clients sont satisfaits.

La mission de l'avocat, si elle reste naturellement intimement liée à l'intérêt de son client, s'inscrit dans le cadre d'un travail d'équipe, ce qui nous oblige à rompre avec la pratique antérieure.

S'il n'est pas nécessaire d'accepter le point de vue de l'autre, il est nécessaire de prendre en compte les opinions et la perspective de l'autre, pour créer des solutions médianes.

La technique pour parvenir à ces solutions amiables c'est d'être centrés sur les intérêts des parties plutôt que sur leurs positions.

Les parties échangent de manière active davantage d'informations et considèrent toutes les options possibles avant de choisir celle qui répondra le mieux aux besoins identifiés de tous.

Ce qui est tout particulièrement original, c'est que la loi n'est pas le seul critère à retenir.

Les avocats doivent naturellement informer les parties de la règle légale, mais celles-ci peuvent aussi envisager des solutions différentes, puisque seuls leurs intérêts guident cette recherche de solution.

Ainsi, notre rôle consiste à surveiller le bon déroulement du processus, alors que celui des clients est de garder la maîtrise du résultat.

Les avocats s'attachent à souligner chaque succès et chaque entente trouvés en cours de route du processus, pour encourager les clients dans cette voie, afin de trouver plus facilement un accord global.

Le processus passe par différentes étapes ;

La première est celle de la rencontre avec le client ; à ce stade le droit collaboratif est présenté comme une option à considérer, au même titre que la médiation et la procédure traditionnelle.

L'avocat évaluera au cours de cette discussion si le dossier se prête, ou non, au processus de droit collaboratif et conviendra de concert avec le client du mode de règlement du conflit lui convenant le mieux.

Il s'agit, lors de cette première étape, de ne pas trop avancer sur les solutions possibles mais de se centrer sur les intérêts et les objectifs du client.


Lors de la seconde étape, l'avocat rencontre son confrère, disposant également de l'agrément (de préférence par téléphone ou par rencontre plutôt que par courrier traditionnel).

Ceux-ci identifient les urgences et consentent à échanger sous le sceau de la confidentialité toutes informations préliminaires pour traiter les urgences.

La première rencontre de règlement est alors organisée ente eux.


Lors de la troisième étape, il s'agit de préparer le client aux différentes étapes du processus du droit collaboratif, et d'étudier avec lui de façon approfondie les intérêts et les objectifs recherchés


C'est lors de la quatrième étape que se déroule la première rencontre de règlement. Au cours de cette rencontre l'adhésion au processus du droit collaboratif se fait par écrit.


Les préoccupations immédiates sont traitées en préliminaire.

Les participants déterminent l'information et les documents dont ils ont besoin.

Ils fixent la date des prochaines rencontres de règlement et des tâches à accomplir dans l'intervalle.

Un des deux avocats établit un résumé, envoyé par procès verbal à tous.

Les avocats procèdent ensuite à un débriefing entre eux et avec leur propre client.

L'étape suivante est celle de rencontres éventuelles supplémentaires.

La dernière étape est celle du règlement.

Ce document de règlement, ou convention, utilise au maximum le langage choisi par les clients, énonce les principes, les prémices et les raisonnements qui ont été à la base des options choisies au règlement.

La convention est finalement homologuée par le Juge, dans le cadre législatif actuel.

Une nouvelle approche et de nouveaux réflexes à intégrer pour l'Avocat

Ce processus, qui convient tout particulièrement aux confrères qui souhaitent résoudre un maximum de dossiers par la voie gracieuse, nécessite une grande modification de nos réflexes habituels ;

Pour les plus grandes lignes, il ne s'agit plus de gagner mais de conclure une séparation d'une façon digne et intègre.

Il s'agit d'abandonner l'idée selon laquelle l'interaction avec le client se borne à connaitre les faits, à expliquer le droit, et à traduire les revendications en position, mais à concevoir que la relation avec les clients inclut la compréhension de leurs émotions et de leurs besoins.

Dans le processus collaboratif, l'avocat a le souci d'obtenir une connaissance approfondie de la situation et des motifs du client, pour éviter d'obtenir des instructions dictées uniquement par des sentiments divers, tels que la colère, la peur ou la douleur.

Il faut également accepter de lâcher prise dans le contrôle du dossier, pour faire une place primordiale au client dans la négociation.

Il convient naturellement d’éviter tout conflit avec l'autre avocat (qui ne s'appelle pas avocat adverse dans ce processus), lequel constitue en réalité un atout dans la recherche d'une solution.

Dans le cadre de cette formation, les techniques de communication sont enseignées, ainsi que des techniques de négociations raisonnées ;

L'attachement aux règles déontologiques est prégnant.

Bref, ce ne sont que des perspectives de bonheur pour tous ceux qui sont las de subir les aléa du juge, le courroux non réfréné du confrère, le manque de respect des conjoints entre eux, et leur déception postérieure à l'audience.

Cette méthode permet d'obtenir plus systématiquement des accords que dans le cadre traditionnel de la procédure de divorce par consentement mutuel.

Elle a également le mérite d'assurer avec certitude la garantie du bon équilibre des intérêts réciproques.

C'est notamment pour cela que les magistrats réservent un accueil très favorable au droit collaboratif.

A ce jour, il est prévu qu'une prochaine formation par nos trois consœurs canadiennes se déroulera en juin 2009.

Trois sessions sont envisagées, dont une qui se tiendra à Paris.


Pour plus d'informations, vous pouvez consulter le site web : www.quebeccollaborativelaw.ca (site français) et lire l'ouvrage Comment réussir une négociation ?, Paris édition du seuil 3ème édition française, FISHER ; R URY W et PATTON, B (2006).


Marie-Pierre LAZARD
Membre FNUJA du CNB
Ancienne Président de l'UJA de NICE
Mardi 4 Novembre 2008
Massimo BUCALOSSI

     


1.Posté par dhonte le 07/11/2008 22:43
Marie Pierre...comme à son habitude à la pointe du progrès ! merci
salutations collaboratives

2.Posté par marie-madeleine rigaud le 13/11/2008 19:44
Merci pour la clarté de votre synthèse sur le sujet et serait-il possible d'avoir communication des 3 dates et lieux de formations envisagées pour 2009.

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