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Les droits et libertés fondamentaux, victimes collatérales de la lutte contre le terrorisme ?

Mardi 7 Octobre 2014

Les droits et libertés fondamentaux, victimes collatérales de la lutte contre le terrorisme ?


Le 18 septembre 2014, l’Assemblée Nationale a adopté un projet de loi « renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ».

Dans le contexte actuel, l’objectif suscite une adhésion massive dans son principe puisque le terrorisme est une atteinte fondamentale tant aux libertés publiques qu’à l’Etat de droit.

Toutefois, les moyens envisagés par le projet de loi avec la création d’un dispositif d’interdiction du territoire ne peuvent être acceptés en ce qu’ils portent une atteinte excessive et disproportionnée à la présomption d’innocence et à la liberté d’aller et venir.

En effet, selon le projet actuel, n’importe quel ressortissant encourt une interdiction de sortie du territoire de six mois renouvelable pouvant aller jusqu’à deux ans au vu de « raisons sérieuses de croire qu’il projette :

« 1° Des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ;

« 2° Ou des déplacements à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes et dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français. »

Cette interdiction serait prononcée par le ministre de l’intérieur.

Si le projet devait aboutir, il est prévu pour unique garantie des droits de la « personne concernée » l’assistance d’un « conseil de son choix » ou la « représentation par un mandataire ».

La FNUJA est hostile à un tel dispositif car :

• Seul un avocat nommément désigné peut valablement représenter ou assister un justiciable susceptible d’être soumis à un tel dispositif, le terme ambigu et donc contestable de « mandataire » donnant à penser qu’un autre représentant qu’un avocat serait à même de défendre les droits d’une personne sous le coup d’une telle interdiction. Toute ambiguïté doit être levée à cet égard dans le cadre du projet de loi, la présence de l’avocat étant requise partout où sont en cause les droits des justiciables.

• De simples supputations ne peuvent justifier une privation de la liberté d’aller et venir sans reposer sur aucun élément matériel tangible au risque d’être arbitraire et de porter une atteinte disproportionnée à la présomption d’innocence.

• Toute privation de la liberté d’aller et venir en matière de terrorisme, de surcroit pouvant aller jusqu’à deux ans, doit rester l’office du juge judiciaire, garant des libertés fondamentales au sens de l’article 66 de la Constitution, et non du pouvoir exécutif, le contrôle opéré par le juge administratif dans le cadre d’une erreur manifeste d’appréciation du ministre n’offrant pas les garanties suffisantes de préservation des droits et libertés fondamentales.

Si le dispositif d’interdiction devait ainsi être maintenu, les jeunes avocats appelleront naturellement à sa censure par le Conseil constitutionnel, soit par contrôle a priori soit par contrôle a posteriori par biais de questions prioritaires de constitutionnalité.