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Loi sur la rétention de sûreté : la lettre ouverte de la FNUJA au Président du Conseil constitutionnel



Loi sur la rétention de sûreté : la lettre ouverte de la FNUJA au Président du Conseil constitutionnel
Monsieur le Président,

Votre haute juridiction aura dans les tous prochains jours à examiner la constitutionnalité de la loi sur la rétention de sûreté et l'irresponsabilité pénale.

Cette loi porte en son sein le germe de l'élimination humaine en ce qu'elle conduit à instaurer dans notre ordonnancement juridique le droit d'enfermer un homme, non pas en raison d'une accusation portée contre lui ou d'une condamnation définitivement prononcée, mais au seul motif nonobstant le fait qu'il n'ait pas à nouveau commis de crime ou de délit, qu'il serait potentiellement en mesure de le faire.

De fait, et pour la première fois depuis que les lumières ont éclairé la raison, il serait admis que l'Etat n'aurait plus pour obligation de croire en l'homme, ni en ses capacités d'amendement, mais aurait le devoir de priver de liberté celles et ceux qui selon lui, seraient susceptibles de constituer un danger pour autrui.

Au-delà de la violation manifeste des principes essentiels de la présomption d'innocence, de la légalité des délits et des peines, de la non rétroactivité de loi pénale, inscrits au fronton de notre constitution dont vous êtes le garant, il est question ici de notre modèle de civilisation.

Ne pas censurer ce texte législatif aurait pour effet de reconnaître que nous ne sommes plus les descendants de 1789.

Au prix d'une illusion relayée par un service de communication qui consiste à faire croire à une société sans risque, il serait permis demain, si cette loi était adoptée en l'état, d'infliger à nos concitoyens, une justice non plus rendue au nom du peuple français, mais en vertu d'une "science" psychiatrique qui reconnaît elle-même ses limites, une privation de liberté indéfiniment renouvelable, non pas au nom de délits ou de crimes qu'ils ont commis mais au nom de crimes et délit qu'ils auraient pu commettre.

Notre droit n'appartient pas à l'art divinatoire, la liberté de nos concitoyens, sauf à verser dans l'arbitraire, ne doit pas dépendre du diktat de l'imaginaire.

Votre statut ainsi que celui des membres de votre haute assemblée, la durée de votre mandat, votre pouvoir de censure de la loi ne vous ont été conférés que dans un seul but, ne pas sombrer dans un mode de communication législatif mais préserver notre mode de civilisation inscrit dans notre constitution.

C'est pourquoi la Fédération des Jeunes Avocats appelle votre haute assemblée à censurer au nom de notre héritage commun l'ensemble des dispositions de la loi relative à la rétention de sûreté et à l'irresponsabilité pénale et s’associe à cette fin, aux observations déposées par le Conseil National des Barreaux, la Conférence des Bâtonniers, le Barreau de Paris et l’Union Syndicale des Magistrats en date du 15 février 2008, de même qu’elle a adhéré au collectif constitué par le GENEPI, le SNEPAP-FSU et le Syndicat de la Magistrature.

Je vous prie croire, Monsieur le Président, en mon profond respect.


Lionel ESCOFFIER
Président de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats (FNUJA)
Syndicat majoritaire de la profession d'Avocats (Apolitique)
Jeudi 21 Février 2008
Massimo BUCALOSSI

     

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