LEXTIMES.FR : Jean-Marie Delarue aux avocats : « N'hésitez pas à jouer votre rôle »

Lundi 10 Décembre 2012




Par Giulietta Gamberini | LexTimes.fr | 9 décembre 2012 14:41



LEXTIMES.FR  : Jean-Marie Delarue aux avocats : « N'hésitez pas à jouer votre rôle »

Au lendemain de la publication de ses recommandations en urgence sur le centre pénitentiaire des Beaumettes à Marseille, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, reçu par le barreau parisien, est revenu sur la situation des prisons françaises et a exhorté les avocats à utiliser tous les moyens dont ils disposent pour la faire évoluer.

Un colloque organisé par le barreau de Paris sur le thème « Prison française : prison modèle ? » le 7 décembre a été l’occasion pour Jean-Marie Delarue, qui avait publié juste la veille des recommandations en urgence sur le centre pénitentiaire des Beaumettes à Marseille, de s’adresser aux avocats, en leur livrant un point de vue articulé sur l'état, les causes et les soins des maux du système carcéral français.

Tout en reconnaissant « les progrès substantiels accomplis depuis 50 ans », le Contrôleur général des lieux de privation de liberté s’est interrogé sur les effets de leur mise en œuvre sur le quotidien des détenus, qui n’en sont souvent même pas informés et qui ne peuvent pas contester les circulaires de l’administration pénitentiaire. Surtout, il a mis en évidence des tendances plus ou moins anciennes qui, à ses yeux, continuent d'affecter lourdement le pénitentiaire en France.

Tout d’abord, la « concentration industrielle de la captivité », en progression, délite la connaissance réciproque entre détenus, surveillants et personnels du SPIP, justifiant en conséquence la naissance de théories sécuritaires comme celle des « détenus imprévisibles ». Ensuite, la faible autonomie accordée aux détenus engendre leur déresponsabilisation, alors que leur expression individuelle et collective est en permanence disqualifiée. Le renforcement des objectifs d’individualisation, notamment dans le cadre du « parcours d’exécution des peines », se traduit malheureusement en un glissement du concept d'orientation en vue de la réinsertion à celui d'évaluation individuelle de la dangerosité. Enfin, et surtout, la logique de sécurité qui domine la prison française élève au premier rang les objectifs de simple prévention des évasions et des suicides : l’appel — effectué tous les matins dans tous les établissements — des détenus « présents et vivants » symbolise bien cette approche.

Une des raisons principales de ces dysfonctionnements, selon le Contrôleur, consisterait dans la méconnaissance de la vie carcérale par l’opinion publique, qui ignore presque tout des innombrables contraintes et privations de dignité auxquelles sont soumis les détenus. Si la souffrance découlant de la coupure par rapport à l’extérieur est mieux comprise, elle est à son tour généralement justifiée par la croyance que les prisons seraient les lieux des grands criminels, dont la remise en société ne pourrait pas être pensable.

Parmi les solutions préconisées par Jean-Marie Delarue, tout d'abord, la nécessité de s'interroger sur la place de la prison, dans le système des peines mais aussi et surtout dans une société de plus en plus pauvre et répressive. La remise de la notion de dignité au centre des politiques de l'administration pénitentiaire, la foi et l'engagement dans l'objectif de réinsertion, la tentative de faire coïncider réalité et règle de droit, une plus grande ouverture aux tiers et la multiplication des échanges horizontaux de bonnes pratiques sont autant de démarches indispensables afin de parvenir à un système humain, homogène dans tout le territoire mais diversifié en fonction des situations.

Dans ce cadre, un rôle fondamental doit être joué par les avocats, que le Contrôleur appelle à utiliser toutes leurs prérogatives : en faisant respecter les règles (en matière de confidentialité ou de connaissance du dossier devant la commission de discipline, pour ne citer que deux exemples) ainsi qu'en saisissant en référé le juge administratif lorsqu'ils reçoivent des plaintes graves des détenus.

Le même message avait apparemment été transmis la veille à la modératrice de la conférence, Me Canu-Bernard, par Robert Badinter. Me Henri Leclerc, présent dans la salle, a renforcé l'appel : « les avocats doivent prendre tout leur rôle lorsqu'il s'agit de situations d'individus ». Après la mobilisation des consciences, celle des moyens suivra ?


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Giuletta Gamberini


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