Le Rapport LAMANDA sur la prévention de la récidive et la 'rétention de sûreté' : faites que nos élus le lisent...

Ce 30 mai 2008, le Premier Président de la Cour de Cassation a rendu sa copie, à la suite de la commande présidentielle du 25 février 2008 par laquelle il lui était demandé de formuler sous trois mois :" toute proposition utile d'adaptation de notre droit pour que les condamnés, exécutant actuellement leur peine, et présentant les risques les plus grands de récidive, puissent se voir appliquer un dispositif tenant à l'amoindrissement de ces risques"

Le 1er des enseignements tiré de la lecture du rapport de Monsieur LAMANDA est que notre arsenal juridique est à lui seul suffisamment coercitif pour "amoindrir les risques de récidive".



Ce n'est, selon ce rapport, pas la loi qui fait défaut - bien au contraire - mais les moyens accordés au Juge d'Application des Peines, à la pénitentiaire, au service du SPIP qui sont cruellement absents pour en permettre l'application effective.

Ainsi, le Premier Président rappelle-t-il que ces dix dernières années l'Assemblée Nationale et le Sénat, de commissions d'enquête en rapports n'ont eu de cesse de s'interroger sur la question de la récidive ou du suivi socio-judiciaire laissant ainsi place à une inflation législative toujours plus répressive notamment en 1998, 2004, 2005, 2007 jusqu'à l'adoption de la loi portant sur la rétention de sûreté du 25 février 2008 censurée partiellement par décision du Conseil Constitutionnel du 21 février 2008.

Quoique annoncé à grands coups de services de communication, l'ensemble de ces mesures n'a jamais pu réellement être mis en œuvre, faute de moyens humains et matériels mis à disposition de celles et ceux qui avaient la charge de les appliquer.

Demeurée au stade de l'effet d'annonce, chaque loi est apparue, à la lumière des faits divers, inefficace, inadaptée et finalement pas encore assez répressive.

Cette logique aveuglément suivie a conduit nos élus à stigmatiser la loi plutôt que l'Etat en charge de son application, permettant ainsi une répression toujours renforcée, fut-elle au prix d'une atteinte à nos valeurs, et à nos principes fondamentaux garants de notre modèle de civilisation.

L'essentiel des recommandations formulées par le rapport du 30 mai 2008 rompt à l'évidence avec ce cercle vicieux de l'effet d'annonces et en appelle plus efficacement à la formation, au renforcement des moyens humains et aux nouvelles technologies (recommandations 1, 2,3,4,7,14,15,17,18,19,20,21,22 et 23) pour simplement permettre une application effective des mesures d'ores et déjà votées.

Ne pas soutenir ces recommandations serait à l'évidence une grave erreur et laisserait le champ ouvert à celles et ceux qui hier encore n'hésitaient pas à réclamer le rétablissement de la peine de mort ou l'élimination sociale définitive de certains de nos concitoyens.

Ne nous en cachons pas, ils sont prêts à recommencer.

Le second enseignement de ce rapport doit être tiré de l'analyse juridique établie par le 1er Magistrat de France selon laquelle la loi dite "de rétention de sûreté" en dépit de la décision du Conseil Constitutionnel demeure d'application immédiate dans le cadre des dispositions de l'article 706-53-19 al 3 du Code de Procédure Pénale.

Selon ce rapport, toute personne soumise à une obligation de surveillance de sûreté qui viendrait à contrevenir à l'une ou l'autre des obligations mises à sa charge serait dès à présent susceptible d'être placée sous le régime de la rétention de sûreté.

Si nous ne pouvons que suivre dans un souci de pragmatisme, la recommandation n°12 du rapport qui, à ce sujet, invite le législateur à revenir sur l'automaticité de la mesure de rétention de sûreté afin qu'elle demeure selon les propres termes retenus par Monsieur le Premier Président "l'ultime recours", la Fédération Nationale des Jeunes Avocats ne peut que regretter au plan des principes, qu'en dépit de son devoir de réserve, le 1er Président de la Cour de Cassation, gardien de nos libertés individuelles, n'ait pas poursuivi son analyse au titre de l'atteinte grave portée par loi du 25 février 2008 à nos principes fondamentaux.

A la lecture du rapport de Monsieur LAMANDA la FNJUA ne peut qu'en appeler plus fort encore à l'abrogation de la loi dite "de rétention de sûreté" tant il est vrai que ce rapport est la démonstration qu'elle a été adoptée alors même que les mesures précédentes n'ont jamais pu être évaluées en leur efficacité faute de moyens pour en permettre l'application.

La FNUJA rappelle qu'il ne peut être permis dans un Etat de droit non seulement de priver de liberté des individus pour des infractions qu'ils n'ont pas commises, mais encore de remettre le sort de ces citoyens à une justice d'experts dont les limites ont encore été démontrées dans l'affaire dite "d'Outreau".

Au prix d'une illusion reliée par un service de communication qui consiste à faire croire à une société sans risques, la loi dite de "rétention de sûreté" permet d'infliger à nos concitoyens une justice non plus rendue par le Peuple Français mais en vertu d'une "science psychiatrique" qui reconnaît elle-même ses limites, une privation de liberté indéfiniment renouvelable non pas au nom de délits ou de crimes qu'ils sont commis mais au nom de crimes et délits qu'ils auraient pu commettre.

Notre droit n'appartient pas à l'art divinatoire ; la liberté de nos concitoyens, sauf à verser dans l'arbitraire, ne doit pas dépendre du diktat de l'imaginaire.


Stéphane DHONTE
Vice-président de la FNUJA


Rapport du Président LAMANDA téléchargeable ci-dessous
Vendredi 20 Juin 2008
Massimo BUCALOSSI

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