Pour une Directive Européenne sur le droit à l'avocat dans les procédures pénales



Lettre de Romain CARAYOL, Président de la FNUJA à Monsieur José-Manuel BARROSO, Président de la Commission Européenne

Paris, le 18 mai 2011





Monsieur le Président,

Je vous écris en ma qualité de Président de la Fédération Nationale des Unions des Jeunes Avocats (FNUJA), 1er syndicat d’avocats en France, regroupant près de 110 associations réparties sur tout le territoire.

Le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation ont déclaré, respectivement dans des arrêts du 30 juillet et 10 octobre les dispositions françaises relatives l’intervention de l’avocat en garde à vue à non conformes à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Ces décisions sont le prolongement logique des trois arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, dont un rendu par la Grande Chambre (SALDUZ, 27 novembre 2008, DAYANAN, 13 octobre 2009 et SAVAS, 8 décembre 2009), définissant précisément les conditions de l’intervention de l’avocat en garde à vue.

Assez curieusement, tant le Conseil constitutionnel que la chambre criminelle de la Cour de cassation avaient décrétés que leurs décisions ne produiraient leur effet qu’à compter du 1er juillet 2011.
Le 15 avril 2011, l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation a toutefois rendu plusieurs arrêts en faveur de l’application immédiate des principes posés par l’arrêt SALDUZ. Dés lors, le Gouvernement français a décidé d’appliquer immédiatement la réforme de la garde à vue votée le 12 avril.

Cette solution n’est pas satisfaisante dans la mesure la loi nouvelle fixe des modalités d’exercice des droits de la défense en deçà des principes fixés par la Cour Européenne des droits de l’Homme. Ainsi alors que la CEDH consacre le droit à l’assistance d’un avocat c’est à dire avec accès au dossier de la procédure, la loi française ne prévoit que la présence de l’avocat sans accès au dossier. De même la loi nouvelle prévoit une multitude de dérogations permettant de retarder l’intervention de l’avocat quand la Cour de Strasbourg ne vise que l’hypothèse de « raisons impérieuses » tout en précisant que dans cette hypothèse les déclarations incriminantes du gardé en vue prononcées lors d’un interrogatoire subi sans assistance possible d'un avocat ne peuvent être utilisées pour fonder une condamnation.

Au cours de l’assemblée générale extraordinaire organisée par le Conseil national des barreaux le vendredi 15 octobre à Paris, Mme Viviane REDING, vice-présidente de la Commission européenne, chargée de la Justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, avait annoncé sa volonté d’élaborer une proposition de norme sur « le droit à l’avocat dans les procédures pénales » dont les principes seront « calqués sur la jurisprudence de la CEDH »

Il est vrai que la variété d’interprétation du concept de droit à un procès équitable dans les différents pays de l’union démontre la pertinence de l’échelon communautaire pour garantir à chaque citoyen un socle de droits identiques.

La commission européenne doit, à notre sens, se saisir de cette problématique fondamentale qui s’inscrit dans la construction d’un espace judiciaire commun avec la garantie de la protection du droit communautaire et partant la mise en œuvre concrète de la confiance mutuelle au service des citoyens européens.

Nous, Jeunes avocats, appelons de nos vœux l’adoption d’une directive sur ce sujet qui intégrerait, de surcroit, la consécration du libre choix par le mis en cause de son avocat, ce dernier pouvant être inscrit dans un barreau distinct de celui de pays d’interpellation dés lors qu’il est membre de l’Union.
Je demeure à votre entière disposition pour m’en entretenir avec vous,
Et, vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de ma haute considération.



Romain CARAYOL
president@fnuja.com


Mercredi 18 Mai 2011
Romain CARAYOL

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