Rapport VARINARD sur la justice des "mineurs" : de qui se moque-t'on ?

Nul n’ignore aujourd’hui que le rapport VARINARD, avec ses 70 propositions de réforme de l’Ordonnance de 1945, a été déposé en fin d’année 2008, le 3 décembre.

Drôle de cadeau de Noël…



Carine MONZAT (UJA de LYON)
Comme toujours, un rapport chasse l’autre avec sa mesure phare – ici l’incarcération dès 12 ans – jetée en pâture sur la place publique qui alors se déchaîne par voie de presse interposée.

Mais à y regarder de plus près, est-ce bien le seul point négatif de ce rapport ? Certes il est inutile de rappeler que l’incarcération possible d’un enfant dès l’âge de 12 ans est une hérésie, mais telle n’est pas le nerf de la guerre semble-t-il.

En effet, personne n’aura oublié la présentation du rapport qui a été faite par Mme le Garde des Sceaux et l’affirmation que c’est le « bon sens » qui animait les membres de la commission.

Pour asseoir cette position de principe, Mme DATI étayait son propos avec force chiffre et autres statistiques, affirmant qu’un mineur aurait eu 190 dossiers, le rapport VARINARD quant à lui excipant de l’étude des statique Police / Gendarmerie.

La FNUJA l’affirme sans crainte, ces chiffres sont FAUX

Mais au fait, de quels chiffres parlons-nous ?

Les statistiques dont s’agit (consultables sur le site du Ministère de la Justice) renseignent sur les « personnes mises en causes ».

Petit rappel : un mis en cause est une personne qui n’est pas obligatoirement poursuivie ; deux personnes mises en cause peuvent être poursuivies différemment mais aussi peuvent être mise hors de cause.

Nous parlons des mêmes statistiques mais leur étude (et non une simple lecture) conduit à établir que depuis 1998 la délinquance des mineurs est en baisse sur le chiffre global d’actes de délinquances constatés, passant de 22% en 1998 à 18% en 2007.

En revanche, les statistiques de la Justice, en matière de condamnations font état pour 2006 :

- Pour les mineurs de 13 ans au plus : 0,3% de l’ensemble des personnes condamnées
- Pour les mineurs de 13 à 16 ans : 3,9% de l’ensemble des personnes condamnées
- Pour les mineurs de 16 à 18 ans : 5,8% de l’ensemble des personnes condamnées

Concernant l’incarcération des mineurs de 12 ans, le rapport VARINARD précise qu’elle ne concernerait que les mineurs poursuivis pour crime dont seul 1,3% des faits incriminés peut recevoir une telle qualification.

Ainsi, 98,7 % des mineurs ne sont pas concernés !


Ce qui alerte également tant la FNUJA que les professionnels de la jeunesse (magistrats, éducateurs PJJ, psychologues…) est le glissement sémantique que «propose » la commission VARINARD.

On ne parle plus « d’enfant » mais de « mineur » : Tribunal des mineurs, Juge des Mineurs, à l’instar de celui qu’on appelle déjà Parquet des Mineurs… Quitte à jouer sur les mots, les mauvais esprits penseront « parquet démineur » !

De même, on ne parle plus de mesure éducative dans le rapport mais de sanction éducative.

N’est pas là la démonstration évidente que, malgré les beaux discours, c’est bien le tout répressif que l’on veut instaurer au travers de ces propositions fourre-tout, la notion même d’éducation devenant l’accessoire d’une sanction…

En revanche, quid des parents dont on ne dit rien ?

Et que dire de la fin annoncée de l’assessorat au Tribunal pour Enfants, leur disparition mettant un terme à la présence effective de la société civile au cœur de la justice des mineurs ?

Quid enfin des moyens humain, financier qui seraient mis en œuvre pour assouvir cette soif réformatrice?

Enfin – bien qu’il y en aurait encore (trop) très long à dire de ce rapport – on ne cesse d’y lire vitesse, rapidité, accélération, réponse immédiate.

Halte là : une justice qui va trop vite tend à devenir justicière, voire vengeresse et gardons nous de tels écueils.

Nos enfants, leurs juges, leurs éducateurs sont-ils si effrayants, si odieux, si dangereux pour qu’une telle défiance leur soit opposée ?




« Je n’ai plus aucun espoir pour l’avenir de notre pays, si la jeunesse d’aujourd’hui prend le commandement demain, parce que cette jeunesse est insupportable, sans retenue, simplement terrible »
Hésiode ; -720 avant JC




Carine MONZAT
Coresponsable de la Commission ad'hoc "Mineurs" de la FNUJA
Vice-présidente UJA de LYON

Mardi 20 Janvier 2009
Massimo BUCALOSSI

Dans la même rubrique :