Rétention de Sûreté : Les Jeunes Avocats saisissent le Conseil Supérieur de la Magistrature

Mardi 26 Février 2008

Le communiqué de presse de la FNUJA

Ce 22 février 2008, Monsieur Nicolas SARKOZY a annoncé qu'il avait confié au Premier Président de la Cour de Cassation la mission d'examiner la question de l'application immédiate de la rétention de sûreté aux criminels déjà condamnés pour faire des propositions visant à atteindre cet « objectif légitime pour la protection des victimes » (cf. communiqué de la Présidence de la République - 22 février 2008). La presse s’est fait l’écho de l’acceptation de cette mission par Monsieur Vincent LAMANDA, Premier Président de la Cour de cassation, sous certaines réserves.

La Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats :

§ rappelant l’iniquité de la loi validée pour l’essentiel par le Conseil Constitutionnel et son inefficacité quant au but recherché de limiter la récidive en matière criminelle,

§ dénonce cette instrumentalisation de l'autorité judiciaire à des fins exclusivement politicienne,

§ saisit le Conseil Supérieur de la Magistrature pour violation de l'indépendance de la Justice,

§ invite toutes les organisations concernées à se joindre à cette saisine.

La lettre de la FNUJA au Conseil supérieur de la magistrature

Madame, Monsieur,

A la suite de la décision n°2008-562 rendue le 21 février 2008 par le Conseil constitutionnel, le Président de la République a indiqué ce 22 février 2008 qu’il avait demandé au Premier Président de la Cour de cassation d’examiner la question de l'application immédiate de la rétention de sûreté aux criminels déjà condamnés pour faire des propositions visant à atteindre cet « objectif légitime pour la protection des victimes » (cf. communiqué de la Présidence de la République – 22 février 2008).

La presse se fait l’écho de l’acceptation de principe de cette mission par le Président LAMANDA, Premier Président de la Cour de cassation, sous certaines réserves.

Par la présente, je saisis officiellement votre Conseil pour obtenir un AVIS sur cette annonce qui porte une double violation à l’organisation de l’ordre juridictionnel français :

1/ L’indépendance de la Justice

En vertu de l’article 64 de la Constitution, l’indépendance de l’autorité judiciaire est reconnue, tout en assurant sa garantie par le Président de la République.

Cette indépendance concerne plus particulièrement la magistrature du siège.

La fonction de Premier Président de la Cour de cassation représente la plus haute autorité parmi les magistrats du siège français, et par là même, il est le récipiendaire de cette indépendance dont toute la magistrature française doit rayonner.

Il n’est donc pas envisageable que le Premier Président de la Cour de cassation puisse accepter une mission, éminemment politique, confiée par le Président de la République, sans rompre avec l’équilibre de notre République démocratique fondée sur l’indépendance de l’autorité judiciaire et la séparation des pouvoirs.


2/ Le rôle du juge : une autorité judiciaire sur le droit positif.

Le recours annoncé au Premier Président de la Cour de cassation crée un trouble dans l’ordonnancement de la règle juridique et juridictionnelle.

Le rôle du juge, et particulièrement celui officiant au sein de la plus haute juridiction française, est de veiller à l’application et à l’harmonisation du droit positif, qui s’entend d’un corps de textes appliqués, constituant la jurisprudence.

La jurisprudence est complémentaire de la Loi, jamais supplétive, ou dans des dispositions qui bannissent toujours les arrêts de règlements de l’ancien régime.

Or, le Premier Président de la Cour de cassation serait ainsi amené à statuer sur un texte en faisant œuvre quasi-législative pour pallier l’obstacle anti-constitutionnel posé par le Conseil Constitutionnel.

De surcroît ; cette mission mettrait, en fait comme en droit, en concurrence deux juridictions, la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel qui ont pourtant une répartition juridictionnelle dénuée de toute ambiguïté entre le juge du droit et le juge de la Constitution.


Je vous remercie de l’attention que vous porterez à cette requête.

Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l’assurance de mes sentiments dévoués et respectueux.

Lionel Escoffier
Président

La lettre de la FNUJA à Monsieur Vincent LAMANDA, Premier Président de la Cour de cassation

Monsieur le Premier Président,

A la suite de la décision n°2008-562 rendue le 21 février 2008 par le Conseil Constitutionnel, le Président de la République a indiqué ce 22 février 2008 qu’il vous avait demandé d’examiner la question de l'application immédiate de la rétention de sûreté aux criminels déjà condamnés pour que vous puissiez faire des propositions visant à atteindre cet « objectif légitime pour la protection des victimes » (cf. communiqué de la Présidence de la République – 22 février 2008).

La presse se fait l’écho de votre acceptation de principe de cette mission, sous certaines réserves

Je me permets de vous écrire car cette annonce porte, à mon sens, une double violation à l’organisation de l’ordre juridictionnel français dont j’entends saisir le Conseil Supérieur de la Magistrature pour Avis :


1/ L’indépendance de la Justice

En vertu de l’article 64 de la Constitution, l’indépendance de l’autorité judiciaire est reconnue, tout en assurant sa garantie par le Président de la République.

Cette indépendance concerne plus particulièrement la magistrature du siège.

Par votre fonction de Premier Président de la Cour de Cassation, vous incarnez la plus haute autorité parmi les magistrats du siège français, et par là même, vous êtes le récipiendaire de cette indépendance dont toute la magistrature française doit rayonner.

Au-delà de vos qualités personnelles, il n’est donc pas envisageable que vous puissiez mener la « mission », de nature éminemment politique, prétendument confiée par le Président de la République, sans rompre avec l’équilibre de notre République démocratique fondée sur l’indépendance de l’autorité judiciaire et la séparation des pouvoirs.


2/ Le rôle du juge : une autorité judiciaire sur le droit positif

Le recours annoncé au Premier Président de la Cour de Cassation crée un trouble dans l’ordonnancement de la règle juridique et juridictionnelle.

Le rôle du juge, et particulièrement celui officiant au sein de la plus haute juridiction française, est de veiller à l’application et à l’harmonisation du droit positif, qui s’entend d’un corps de textes appliqués, constituant la jurisprudence.

La jurisprudence est complémentaire de la Loi, jamais supplétive, ou dans des dispositions qui bannissent toujours les arrêts de règlements de l’ancien régime.

Or, il vous est aujourd’hui demandé de statuer sur un texte en vous invitant à faire œuvre quasi-législative pour pallier l’obstacle anti-constitutionnel posé par le Conseil Constitutionnel.

A cet égard, votre mission mettrait, en fait comme en droit, en concurrence deux juridictions, la Cour de Cassation et le Conseil Constitutionnel qui ont pourtant une répartition juridictionnelle dénuée de toute ambiguïté entre le juge du droit et le juge de la Constitution.

Je tenais à vous exprimer officiellement ma position au nom de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats, syndicat majoritaire de la profession d’avocats.

Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Président, à l’assurance de mes sentiments dévoués et respectueux.


Lionel Escoffier
Président

Massimo BUCALOSSI