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Discours de Matthieu DULUCQ, nouveau Premier Vice-président de la FNUJA

Jeudi 12 Juin 2014

Discours prononcé à l'issue de l'assemblée générale du 71e Congrès de la FNUJA, à Antibes Juan les Pins, le 31 mai 2014.


Mes chers amis,

J’ai aujourd’hui le privilège et l’honneur de vous présenter ma candidature à la 1ère vice-présidence de notre syndicat. C’est ainsi poursuivre un chemin, commencé depuis maintenant quatre ans, où vous m’avez accordé votre confiance en m’élisant au bureau en qualité de secrétaire général adjoint, puis trésorier, et enfin vice président province pendant deux ans.

Pendant ces quatre années, j’ai appris nos règles immuables, nos usages, et notre langage. Je sais ainsi qu’à un congrès, il appartient au Président sortant de faire son bilan et de nous livrer son testament ; la Présidente, elle, d’ici quelques instants, tracera la feuille de route de l’année à venir, c’est le temps de la profession de foi ; quant au candidat à la1ère vice-présidence, il lui appartient de se présenter, de parler de lui, exclusivement de lui, c’est le temps de l’introspection, voire de la confession.

Le but de cet examen de conscience, auquel chaque candidat doit se soumettre, est de vous permettre de connaître celui ou celle à qui vous pourriez être amené, dans un avenir proche, à confier le destin de notre fédération.

Je doute que le fait de savoir que je suis né le 16 janvier 1977 à Remiremont dans les Vosges, d’un père landais et une mère alsacienne, et que j’ai trois frères et sœurs plus âgés que moi, ne soit pour vous d’une quelconque utilité. De même que le fait de connaître ma taille (1,75 m), ma pointure (41 ½), ou mon poids… Cette variable est d’ailleurs sans doute la moins pertinente car l’expérience récente nous a montrée qu’elle peut grandement fluctuer au cours d’un mandat…

Ce que je dois vous raconter, c’est le parcours qui m’a conduit à un engagement militant.

Je dois d’abord vous confesser que je n’ai jamais eu faim, ni manqué de rien. La conscience d’une différence, d’une hiérarchie non fondée selon le seul critère du mérite, mais de la naissance, est née au contact des autres. J’ai longtemps cherché un cadre pour exprimer et partager à plusieurs ma révolte et mon idéal. J’ai rêvé du grand soir, de la lutte finale, sans toutefois, je vous l’avoue, être prêt à sacrifier mon confort.

Ce cadre, je l’ai trouvé à l’université, notamment au travers du syndicalisme étudiant. Ce fut une expérience inoubliable et une formidable école. J’y ai découvert les motions, les rapports, les assemblées générales houleuses, et parfois la violence des élections internes. Nous parlions avant tout de nous-mêmes, avant de penser à la condition étudiante. Le plus important était finalement de changer le syndicat de l’intérieur, avant de se soucier, un jour, de l’extérieur.

J’ai malgré tout aimé cet épisode de ma vie, même si je le regarde sévèrement aujourd’hui. Je crois que je n’aurais pas aimé la vie étudiante sans ce parcours syndical, tout comme je sais que je n’aimerais pas autant la profession d’avocat sans l’UJA de Nancy et la FNUJA.


Pourquoi suis-je devenu avocat ? Je ne le sais pas. Je n’ai pas eu le sentiment d’un choix, mais d’une évidence. Je crois que l’idée d’exercer une profession porteuse de valeurs et d’idéal a beaucoup compté.

Ce que je sais, c’est que j’ai eu du mal à être avocat. J’ai eu un mal fou à trouver une collaboration. J’ai multiplié les entretiens d’embauche, d’abord à Nancy, puis dans l’Est, puis dans toute la France. Bertrand Gasse m’a reçu deux fois, et refusé deux fois…


Je trouve enfin une collaboration. L’été venant, l’année suivante, je prends quelques jours de congés. À mon retour, je n’avais plus de bureau. C’est comme cela que j’ai appris la rupture de mon premier contrat de collaboration. J’ai pensé tout arrêter. Je ne voyais pas d’avenir dans une profession qui ne voulait pas de moi. Je ne me sentais pas à la hauteur. Je voyais mes camarades de promotion s’aguerrir, être épanoui, je me sentais minable à côté d’eux.


Et puis il y a eu l’UJA, et sa Présidente Hélène Strohmann, qui m’a tendu la main. Elle m’a permis non seulement de trouver une collaboration, mais également de rompre un isolement destructeur. Je dois énormément à l’UJA.

Ainsi, il y a maintenant plus de huit ans, je décidai de participer à la revue de l’UJA. La distribution des rôles fut providentielle. Mon allure de pied-noir courtaud et velu m’a conduit tout naturellement à interpréter Alain Delon dans la reprise d’un duo célèbre avec Dalida. Ma Dalida ce fut Éléonore Dupleix…


Éléonore, je veux te dire combien j’admire tes capacités d’écoute, de conseil, de finesse d’analyse et de jugement. Tu es attentive aux autres et l’intérêt que tu leur portes n’est jamais feint. Tu as pris, avant ce congrès, une décision difficile en mettant fin à la collaboration qui te liait au cabinet qui t’a vu naître. Je veux te dire qu’ils ont bien tort de ne pas te retenir. J’ai confiance en toi. Et, même si je sais que tu n’as pas besoin de moi, je souhaite t’assurer de mon soutien indéfectible.


Après cette revue, je me suis associé avec celui qui était alors vice président de l’UJA, Philippe Guillemard.

Philippe, cela fera bientôt huit ans que nous avons lié nos portefeuilles, ce qui pour toi veut dire beaucoup. Je n’ai jamais regretté mon choix et c’est avec plaisir que je te retrouve chaque jour au bureau. Je pense que ni toi ni moi n’aurions pu aller aussi loin séparément. Je suis heureux de ce que nous avons fait, et nous avons encore tellement à faire. Je veux te dire également combien je suis fier d’être l’associé du Bâtonnier de Nancy.

Je t’ai succédé à la tête de l’UJA de Nancy. J’ai adoré ce mandat.


L’UJA de Nancy avait quitté la fédération nationale depuis une dizaine d’années sans que plus personne ne se souvienne des raisons de ce départ. C’est avec une certaine appréhension que nous nous sommes rendus à Paris, avec Éléonore, en octobre 2008, à notre premier comité FNUJA. C’était un peu comme jour de rentrée des classes. Une rentrée où on change d’école et on va chez les grands. On s’était levé tôt pour prendre le train, on avait mit nos jolis habits, et on a longtemps cherché la salle de classe.

L’idée saugrenue m’était venue d’intervenir à ce comité et de donner mon avis sur le débat du jour : la fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété intellectuelle. D’instinct j’étais contre. J’ai été rapidement corrigé : on m’a bien signifié que je n’avais rien compris et que la doctrine de notre syndicat ne permettait pas de tenir un discours comme le mien. Non seulement j’avais tort, mais en plus, j’étais passéiste et ridicule. J’ai eu l’impression d’être un paysan venant Porte de Versailles au salon de l’agriculture, invité gentiment à regagner son pré.

C’est aussi ça, parfois, la FNUJA, et jusqu’au bout je lutterai contre cela. Toute opinion est respectable, aucune doctrine n’est immuable.

La FNUJA c’est aussi ça, mais bien évidemment, ce n’est pas que cela. J’ai été subjugué par la quantité d’informations que je pouvais recueillir à chacun de nos comités. J’ai rapidement constaté qu’ainsi, j’étais plus au courant que mon Bâtonnier sur l’actualité notre profession. Par nos débats, j’ai pu apprendre, réfléchir, évoluer parfois. Je ne suis jamais revenu d’un comité sans une idée nouvelle pour mon UJA ou pour mon exercice professionnel.

Mon premier congrès fut en Corse, le président d’alors s’appelait Olivier Bureth que j’ai eu la joie de retrouver quelques années plus tard auprès de nos amis de la FA – UJA (fédération africaine des associations et unions de jeunes avocats) à Abidjan. Durant ce congrès, malgré une mer déchaînée, j’ai rapporté une motion et j’ai soutenu ma candidature la délégation nationale.

L’année suivante, Camille Maury m’a proposé de réfléchir sur la durée de sa mandature, avec Hélène Lemetteil de l’UJA de Paris, sur la problématique de l’avocat en entreprise. Elle y était viscéralement attachée, et moi farouchement opposé. Nous avons tous les deux accepté et avons trouvé un point d’équilibre qui a abouti à l’adoption d’une motion à Bordeaux. Si nous y sommes parvenus, c’est avant tout parce que nous avons accepté de nous entendre, de nous respecter et surtout de nous comprendre. C’est je crois la seule méthode pour avancer. Rien n’est impossible aux hommes de bonne volonté.


Mon mandat se terminant à la présidence de l’UJA de Nancy, j’ai souhaité aller plus loin, poursuivre le chemin, et me présenter au bureau de la FNUJA. J’ai bien compris que venant d’une petite UJA, n’étant là que depuis un an et demi, mes chances de succès étaient limitées, voire nulles. De mon passé militant, j’ai retenu plusieurs leçons : l’importance de bien connaître les statuts et les règles de vote, que les plats ne passent qu’une fois, et que ce que l’on n’est pas prêt à vous donner, il faut le prendre.

Je n’ai été téléguidé par personne, j’ai simplement profité d’antagonismes d’alors qui préexistaient à mon arrivée et dont je n’étais pas à l’origine. J’ai saisi l’opportunité qui s’est présentée, parce que je savais très bien que c’était la seule, et qu’aucune autre fenêtre ne s’ouvrirait dans l’avenir. Aujourd’hui, les choses se sont apaisées, mais je souhaiterais que de cette expérience, chacun puisse se dire que s’il souhaite s’investir à la FNUJA, au bureau ou en dehors, il en a la possibilité. On ne lui demandera pas d’où il vient, mais ce qu’il pense. Tout jeune avocat doit pouvoir prétendre à la présidence de la FNUJA, si telle est son ambition.


J’ai été membre du bureau de Romain Carayol et j’ai adoré cette année. J’ai pu apprécier ses qualités exceptionnelles d’écoute, de conseil et d’analyse. Il reste pour moi une référence, en dépit de sa faible culture musicale et de son excédent capillaire…

Dans un autre style, j’ai partagé l’année suivante le bureau de Stéphane Dhonte. C’est à la fois un bulldozer, que rien ne dévie de sa route, et en même temps un formidable joueur d’échecs. J’ai également beaucoup appris de lui.

J’ai poursuivi mon apprentissage l’an dernier aux côtés de Yannick Sala. J’ai pu mesurer à quel point ce mandat, bien que court, était rude, intense et exigeant. Yannick a toujours su être là, au bon moment, je ne doute pas que nos chemins se croiseront à nouveau.

Et puis cette année, ce fut Roland Rodriguez. Nous atteignons là le summum de la culture musicale… Nous nous sommes rencontrés sur les routes du Tarn. Alors que j’entonnais les plus grand succès de Daniel Guichard, tu m’as répondu en chantant Jean Ferrat en occitan. Nous avons alors poursuivi ensemble avec Charles Aznavour, Gilbert Bécaud et Michel Berger… Cette conversation musicale n’a depuis jamais cessée. J’ai mis mes pas dans les tiens et tu m’as guidé tout au long de ces années. Merci beaucoup, merci pour tout.


Je n’oublie pas non plus ceux avec qui j’ai partagé ces bureaux et qui n’y sont plus : Laurent, Caroline, Charles, Aminata, Marie et Cédric. Les amis, vous me manquez.


Avant-hier, Roland mobilisait un proverbe philippin pour nous rappeler l’importance de nos origines. Les miennes, c’est avant tout la Lorraine.

« Je suis d’un pays, d’un horizon, d’une frontière
Qui sonne guerre, qui sonne éternel hiver
», (Patricia Kaas, Une fille de l’Est)


J’ai bien conscience que les fonctions auxquelles j’aspire doivent me conduire à élever un peu le niveau de mes références culturelles. En bon lorrain, je me référerai donc à Maurice Barrès, qui évoque dans La colline inspirée, « ces lieux où souffle l’esprit », pour vous parler de lieux qui me sont chers.


Je veux vous dire qu’être là a pour moi une importance toute particulière. J’ai passé une partie de mon enfance à quelques kilomètres d’ici, à Saint-Jacques, où mes grands-parents ont vécu et où j’ai été très heureux. Aujourd’hui, nous n’y avons plus de maison, mais un caveau funéraire où quelques places sont encore disponibles. Cette présence d’une partie de moi dans la terre, fait que quelque part, je me sens ici chez moi.


Évoquer mes origines, c’est aussi vous parler des gens qui comptent pour moi.

Éléonore bien sûre, merci d’être là, merci d’être toi. J’aurais tellement de choses à dire, mais je sais très bien que ni toi, ni moi, ne sommes adeptes des épanchements publics.

Mes parents, mes frères et sœurs, et le Père Jean-Michel Dulucq, qui où que je sois m’accompagnent.

Il y a ceux à qui je dois la vie, et notamment Monsieur Joël Laïd, skipper du bateau Eilidh, affrété par l’UJA de Marseille pour tester ma résistance. À toutes les UJA, je veux vous dire que bien qu’homme libre, je ne chéris par la mer. J’ai déjà eu droit grâce à vous à une traversée en paquebot, à une régate en voilier, et à plusieurs promenades en péniche. Aussi, je vous suggère une pause dans les activités nautiques pour les deux années à venir.

Je tiens à remercier Bertrand Gasse d’être venu ici. Bien entendu, je ne t’en veux pas de ne pas m’avoir embauché. Tu étais Bâtonnier quand j’ai prêté serment. Je me souviens du discours magnifique que tu as fait, et ce jour là, devant ma famille, tu m’as rendu fier de devenir avocat.

Je remercie bien évidemment mon Bâtonnier, Philippe Guillemard, qui m’honore de sa présence et de son soutien.

Je suis ravi qu’Elsa Duflo vienne ici à son premier congrès avant de prendre, dans quelques jours, la présidence de l’UJA de Nancy. Je te souhaite d’être heureuse à ce poste autant que je l’ai été. Je connais tes immenses qualités, et je sais que notre association ne pouvait rêver meilleur guide.

Je veux aussi remercier l’UJA de la Moselle, sa présidente Caroline Rumbach, sa vice présidente Anne Muller, ainsi que Julie Ambrosi et Marine Klein-Desserre. Je vous remercie d’être là. En dépit des antagonismes historiques qui ont pu opposer nous deux villes, je suis persuadé que nos deux UJA ont le plus grand intérêt à travailler ensemble. Ne vous y trompez pas, je continue de trouver que la gare de Metz est affreuse. Rendez-vous dans un an en ligue 1 !

Aux membres actuels du bureau, je veux dire que j’ai dans l’avenir encore deux discours à prononcer lors desquels je pourrais être amené à dire du bien de vous. Point trop n’en faut, vous attendrez donc encore un peu pour vos compliments.

Voilà qui je suis, voilà d’où je viens.


J’ai sans doute un tempérament plus réservé que mes glorieux prédécesseurs. Je n’irai pas vous taper dans le dos. De même, vous ne m’entendrez jamais parler de famille pour caractériser le lien qui nous unit. Ce n’est pas mon vocabulaire. Sachez seulement que cela n’enlève rien à l’estime et à l’affection que je porte à chacun d’entre vous.

Je vais en terminer en évoquant celle que vous attendez tous, Anne-Lise Lebreton. Je ne suis que la première partie du concert, et cette partie n’a que trop duré...

Anne-Lise, nous avons déjà passé quatre année ensemble au bureau de la FNUJA et nous nous connaissons bien. Je veux te dire que je me réjouis de poursuivre à tes côtés mon apprentissage. Pendant toutes ces années, tu as toujours été d’une aide et d’un soutien précieux pour chacun d’entre nous, c’est à mon tour de t’aider. Je veux t’assurer de ma loyauté tout au long de ta mandature où tu nous conduiras à la victoire.

Je te cède maintenant la parole, montre-nous le chemin, nous le suivrons.