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Discours de Simon Dubois - nouveau Premier Vice-président de la FNUJA

Samedi 12 Juin 2021

« Louons nos hommes illustres et nos pères qui nous ont engendré. (…) Il suffit de fermer les yeux, pour se souvenir de ces quelques jeunes gens avec l’espoir au cœur et des ailes aux pieds. »

Certains d’entre vous reconnaissent peut-être ces mots.
J’y reviendrai.
 
Le moment est venu pour moi de vous présenter ma candidature à la Première Vice-Présidence de la FNUJA.
 
Pour celles et ceux qui ne le savent pas encore, cet exercice - ô combien unique - consiste à révéler au public ce qui relève de l’intime.
 
Un rite cathartique pour Simon Warynski, un dossier difficile à plaider pour Catheline Modat, une mise à nu pour Jean-Baptiste Blanc, un devoir pour Aminata Niakaté, une dissection / une autopsie pour Alexandra Boisramé, une soumission pour Emilie Chandler et Roland Rodriguez, une introspection voire une confession pour Matthieu Dulucq, un dévoilement pour Anne-Lise Lebreton.
 
Autant de termes pour décrire ce que j’ai choisi d’appeler un aveu. Un aveu car je me dois aujourd’hui de vous livrer un récit de vérité.
 
Hier j’ai dû me rendre à un mariage. Je ne vous cache pas que faire 11h de voiture en moins de 48h cela laisse le temps de penser à son discours.
 
Une fois n’est pas coutume, commençons par la fin.
 
Nous sommes le 12 juin 2021.
 
Je suis avocat au Barreau de Paris. J’ai la chance de partager une association avec un martiniquo-corse qui est devenu grâce à l’UJA l’un de mes meilleurs amis. Au 37 Avenue Victor Hugo à Paris, le quotidien est rythmé par les recours en excès de pouvoir, les jeux avec Pégase – mon labrador, les dégustations de jambons et fromages corses et les zouks antillais, le tout parfois dans un nuage de fumée cubain.
 
J’aime la fête. Et j’aime les bonnes tables, les belles adresses.
 
« Bling bling » et prétentieux pour les uns, homme de goût et épicurien pour les autres. C’est là mon premier aveu.
 
Après des études de droit public à La Sorbonne et à Assas, et un diplôme d’affaires publiques à Paris-Dauphine, j’exerce pendant deux ans la mission de consultant pour le Directeur des Libertés Publiques et Affaires Juridiques (DLPAJ) désormais bien connu de la FNUJA, Monsieur Thomas Andrieu.
 
Ma mission se résumait en deux tâches : le conseil juridique aux différents services du Ministère, et la défense contentieuse de l’État. J’y ai appris les codes, les qualités et les défauts de l’administration centrale, j’y ai également appris à plaider.
 
Dieudonné, Léonarda, les requins de la Réunion, les drones, le découpage cantonal, Silhem Souid, les zadistes de Sivens, Charlie Hebdo. Quand certains de ces mots donnent lieu à débat, d’autres appellent à l’horreur, à la peur et aux larmes. En tant qu’écrits au marqueur noir sur du papier cartonné vert, ces mots renvoient également à mon quotidien, au quotidien d’agents du ministère de l’Intérieur, et plus particulièrement à sa DLPAJ.
 
L’ancienne sous-directrice, Pascale Léglise, a été pour moi un modèle de dévouement et de bienveillance. Elle qui, enfin, et contre une vieille tradition républicaine visant à n’offrir ce poste qu’à des membre du conseil d’État, est devenue depuis 15 jours la nouvelle DLPAJ. Pascale, vous pouvez en avoir la certitude, nous serons amenés à nous revoir.
 
Après ces deux années d’expérience extraordinaire, je dois vous avouer que je suis entré à l’école d’avocats un peu par défaut. C’est là mon deuxième aveu.
 
Je préparais les concours de la haute fonction publique. Les écrits du CRFPA tombant avant ceux des concours administratifs, je m’étais inscrit aux premiers pour me forcer à préparer les épreuves juridiques des seconds.
 
A cet instant deux interprétations s’offrent à vous :
 
  • celle selon laquelle la révélation de l’avocature m’eut été miraculeusement ordonnée à l’occasion d’une rêverie par les fantômes de Léon Duguit et Maurice Hauriou, m’enjoignant de prendre la robe ;
 
  • ou celle selon laquelle j’ai échoué à tous les concours à part celui du barreau.
 
 
Arrivé à l’EFB en 2015, je suis admis à l’Institut de Droit Public des Affaires (IDPA) – une sorte d’école dans l’école destiné aux élèves avocats publicistes - et je deviens Président de l’association de l’IDPA. J’y rencontre des noms qui me deviendront familiers : Christophe Farineau, Nicolas Keravel, et tant d’autres.
 
Après six mois de stage au sein du cabinet Lefèvre Pelletier & Associés, sous la bonne aile d’Olivier Ortega, je prête serment devant la cour d’appel de Paris le 17 novembre 2016.
 
J’entre à l’UJA de Paris et débute mon premier mandat au sein de sa Commission Permanente (la fameuse « CP ») sous la présidence de Laëtitia Marchand. Laëtitia, « Mamounette », après notre dernière querelle il y a presque un an, je t’ai écrit que quoi que l’on dise, quoi que l’on fasse, le temps reste et restera le meilleur ami de l’Homme. Aujourd’hui je me rends compte que je me suis trompé en ce qui nous concerne. Car ce qui a eu raison de notre différend et qui a sauvé notre amitié, c’est d’abord ta sensibilité et ta sincérité.
 
En 2017, je participe à mes premières « CP » et à mes premiers « Comités Fédé ». Je ne comprends pas grand-chose, mais je découvre les débats, j’y vis la sémantique, l’éloquence, parfois un peu de sophisme, mais toujours dans le respect d’un principe phare : celui de la démocratie.
 
Au cours de ma première année de CP, je créé la Commission Droit Public de l’UJA de Paris. Que de chemin parcouru en 4 ans pour cette commission. En 2016, avec Thomas Charat, j’ai rencontré un publiciste esseulé, affamé, prostré dans l’ombre des pénalistes et civilistes qui régnaient en maîtres sur l’UJA de Paris.
 
Aujourd’hui, quand on parle des publicistes de la CP, on parle d’invasion, de complot, voire de mafia. Il paraîtrait même qu’ils ont ouvert la voie à un fiscaliste …
 
Observatrice silencieuse, à l’occasion d’un déjeuner en tête à tête, Aminata me demande en avril 2018 de la rejoindre au sein du Bureau de la FNUJA en qualité de Membre du Bureau Paris.
 
Bien entendu, j’accepte avec enthousiasme et fierté.
 
Le 10 mai 2018 j’arrive donc au Congrès de Bayonne. En débarquant, jeune syndicaliste fringuant de 29 ans, à une soirée « #Sunset #Mojitos », sur le rooftop des Baigneuses à Biarritz ma première rencontre FNUJA était écrite. Un être souriant, accueillant, bienveillant, je l’avoue, parfois un peu charmeur, mais toujours délicat et attentionné.
 
Roland (Rodriguez), si pour chacun de nous la FNUJA a un visage, pour moi, elle en a le tiens.
 
Le lendemain avait lieu la soirée Féria …
 
Les anciens combattants se joindront à mon témoignage. Sur le sable brulant des Arènes de Bayonne, après la joie et la fête, vint l’embuscade. Ce fut une hécatombe. Au brunch du lendemain, se multipliaient les récits héroïques des soldats tombés la veille au champ d’honneur, devant nombre d’yeux ronds et de traditionnels « mais nan ».
 
Je retiens enfin de ce Congrès une longue discussion avec Stéphane Lallement, lors du gala au casino de Biarritz. Après mon aveu de ne rien savoir de qui est qui, qui est d’oû, et qui fait quoi, Stéphane a pris le temps de me présenter et m’encourager.
 
Cette année au Bureau de la FNUJA a été intense et riche de rencontres.
 
En bon soldat de notre dynamique Présidente Aminata Niakaté, j’ai parcouru la France au fil des Comités décentralisés, apprenant de la vie du Bureau, des jeux et enjeux, des forces et des équilibres de notre profession.
 
Un souvenir de nos travaux : une de mes rares vraies nocturnes, à rédiger pour la FNUJA le recours porte étroite devant le Conseil constitutionnel contre le projet de loi justice. Quelle satisfaction de voir le projet censuré à de nombreux égards. Je ne sais si notre voix a porté, mais ce qui est certains, c’est que nous ne sommes pas restés muets.
 
J’avais alors la certitude que la vie au bureau de la Fédé continuerait son cours, sous une présidence que j’attendais avec hâte, celle de Jean-Baptiste (Blanc).
 
Le destin (entendez l’UJA de Paris) en a décidé autrement : j’ai été appelé à sa Première Vice-Présidence.
 
Le samedi 1er juin 2019, lors de la soirée de Gala organisé dans la grande salle du Pavillon Gabriel à Paris, j’ai pris conscience que je quittais une famille qui venait à peine de m’adopter.
 
Ce fut une véritable douleur pour moi.
 
Celles des frustrations dont on se sait le seul responsable.
 
Cette douleur des choix qu’on assume, mais dont le poids est écrasant.
 
Mon année de Première Vice-Présidence à l’UJA de Paris a été marquée par les travaux de fond, la mobilisation contre la réforme des retraites, et évidemment la protection de nos consœurs et confrères face à la crise sanitaire.
 
Puis vint l’année de Présidence. Une éternité, une vie dans un claquement de doigts.
 
Ma Chère, Très Chère UJA de Paris. Ce n’est ni mon discours de sortie, ni l’heure du bilan. Tu sais que nous avons encore des choses à nous dire. Mais permets-moi juste cette politesse, puisque vous êtes descendus si nombreux :
 
« Chers Présidents d’Honneur,
Chers Invités Permanents,
Chers Membres élus » :
vous m’avez offert une année que je n’oublierai jamais.
 
Je ne t’oublierai jamais, et c’est bien la raison pour laquelle je te dois la vérité. Le masque doit tomber. Je ne t’ai pas menti, mais je pense que tu as pu te tromper.
 
Tu me crois peut-être né à Paris, et fils d’avocats. J’imagine même que tu me crois amateur d’IPA et de la nouvelle scène, afficionado du festival Rock en Seine et allant chaque année à Rolland Garros ou comme tu le dis si bien « à Rolland » ou « à RG ». Pire encore, j’imagine que tu peux me croire supporter du PSG.
 
Chère UJA de Paris, je ne t’ai pas tout dit.
 
Ma terre, c’est la province. Ma veine et mon sang, c’est la Picardie.
 
Dans le bus qui les mène de la ville de Saint-Quentin au village de Lehaucourt, Christine rencontre Frédéric. Il est un peu dragueur, peu crédible aux yeux des autres, mais qu’importe, elle tombe amoureuse. Et elle a raison, car lui-même s’attache à elle. Il finit son STAPS et elle, en bonne fille ainée, élève ses 4 frères et sœurs.
 
Quand elle annonce à sa mère qu’elle pense arrêter ce rôle de nourrisse pour se consacrer à elle, à lui, la réponse devient sentence. Elle quitte, peut-être forcée, le foyer familial. Mais qu’importe elle l’aime.
 
Elle trouve in extremis cet emploi de vendeuse de costumes. Sa clientèle est naturellement aisée, et à cet instant elle est loin de penser qu’un de ses fils en portera tous les jours.
 
Elle a réussi avec Frédéric à meubler un petit appartement de Saint-Quentin. La vanité de se dire qu’elle vit en ville l’emporte sur une probable honte des déjeuners qu’elle ne peut s’offrir.
 
Et l’amour se transforme en grossesse.
 
Baptiste. Il n’a à peine un an qu’elle lui apprend une maladie du sang. Là encore la sentence tombe : les médecins sont catégoriques : il va mourir, comme tous les enfants qui lui succéderaient.
 
Pour Christine et Frédéric il n’y a guère d’alternative : il faut le meilleur pour Baptiste, il faut Paris. Les semaines d’hospitalisation se succèdent à l’hôpital Saint Louis. Rapidement les nuits d’hôtels deviennent un souvenir, et Frédéric veillent le jour dans la chambre de Baptiste, et passe la nuit caché dans la buanderie de l’hôpital, préservé par le secret des infirmières.
 
Jusqu’à la fin. La fin d’un premier enfant. La fin d’un espoir de constituer une famille.
 
Mais aujourd’hui on le sait plus que jamais. Les médecins disent tout et son contraire. Et c’est par la bonhommie d’un hématologiste d’allure marginale qu’elle apprend que : « Mais non ! N’importe quoi ! Faîtes des enfants ! »
 
Naîtra dans l’année Clément, enfant de l’espoir, puis - vingt mois plus tard - Simon, et enfin, Marie.
 
Simon, Baptiste de mon deuxième prénom. Cela a le mérite de me rappeler à la chance que mon grand frère n’a pas eu.
 
L’enfant du milieu. Le cadet. A la fois enfant d’après et d’avant, la fleur du milieu, jamais suffisamment arrosée.
 
Ce qui marque, ce sont les extrémités. L’avantage d’être au milieu, c’est qu’on est moins regardé, moins jugé. L’inconvénient c’est que l’on traine toute sa vie, au pire une faille égocentrique, au mieux un sentiment de solitude.
Et la différence de la solitude de celui du milieu à celle du fils unique, c’est la transformation du sentiment de solitude en celui d’abandon.
 
Protégé par l’ainé du regard des uns, privé par la benjamine de l’attention des autres.
 
Aujourd’hui je porte encore ces masques de l’abandon et de l’injustice.
 
Un enfant curieux : « il y a quoi après l’espace ? »
Un enfant ambitieux : « plus tard j’aurai un château. »
Un enfant courageux : « laisse le tranquille. »
 
De mes 5 à mes 30 ans j’ai joué au volley, poussé par un père autant passionné qu’exigeant. De la sélection départementale de l’Aisne, au centre de formation en aspirant Pro B, 25 ans de performance et de compétition.
 
J’ai toujours tenu la barre.
 
De mes années de collège à mes premiers pas dans la profession, je tenais sur ce point d’équilibre, au milieu encore, d’un triangle prétendument d’incompatibilité entre l’amusement, la performance sportive et la réussite scolaire puis professionnelle.
 
Naturellement il y a eu des échecs et des déceptions – que parfois j’ai mis du temps à accepter.
 
Mais cet équilibre a tenu.
Il a tenu jusqu’à ce qu’un quatrième axe vienne le bouleverser : l’amour. Celui qui m’a fait dire « Si un jour je deviens quelqu’un de bien, je pourrais commencer à m’imaginer avec elle ».
Ce bouleversement a été déterminant dans ma vie. Il m’a permis d’arrêter de croire qu’il suffisait de se penser bon pour l’être.
Aujourd’hui, je ne sais pas si je suis quelqu’un de bien, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle, elle le croit.
Et rien que ça, rien que de savoir que celle qui compte le plus pour moi me croit quelqu’un de bien, me donne la force de l’être.
Voilà, vous savez désormais presque de tout de moi. Presque non pas car j’en ai gardé secret, mais car je n’ai pas la prétention de penser que je me connais.
Pour finir, je me remémore des mots échangés avec Stella et Alizée, deux représentantes des élèves avocats : « On a envie de parler mais on n’ose pas. »
Je sais que pour certains d’entre vous, c’est votre première année à l’UJA et à la FNUJA, que c’est votre premier Congrès. C’est à vous que je veux adresser mes derniers mots :
ne vous interdisez jamais une prise de parole,
n’ayez jamais honte de ne pas comprendre,
n’ayez jamais honte de penser différemment et, surtout, surtout,
n’ayez jamais honte de le dire.
 
Le principal défaut de notre union et de nos combats, c’est nous-même. C’est nos dogmes, c’est la poussière sur les œuvres de ceux qui nous ont précédé.
 
Une règle, une tradition, une pratique doit toujours être dépoussiérée pour être comprise, sinon elle s’oublie.
 
Romain Carayol le disait avant moi dans son discours de Présidence : « Il n’y a rien de pire qu’une doctrine qui devient dogmatique au point de renfermer la théorie sur elle-même pour, au final, la pétrifier. »
 
Cette faculté de remettre en cause, c’est notre humilité de ne rien considérer comme acquis, c’est le fruit de notre audace, c’est le sel de notre impertinence.
 
Cette faculté s’éloigne avec les années, et cela est bien naturel.
 
Alors vous qui vivez votre première année d’engagement à l’UJA et à la FNUJA, vous n’assistez pas à un Congrès, vous y participez. Vous êtes le J de UJA et FNUJA.
 
En ce qui me concerne, ma principale mission sera cette année de me mettre à votre service :
  • au service de notre président. Simon, tu le sais, je te suis et te serai loyal. Tu peux compter sur moi.
  • A votre service, au service de notre fédération, pour réussir au mieux à faire ce que nous faisons depuis 1947 : fédérer.
 
Depuis plusieurs jours, je me demandais comment ouvrir mon discours. Et j’ai pensé à ce film : les Chariots de feu.
 
Vous allez me dire mais quel rapport ?
 
Ce film plonge le spectateur dans la tradition solennelle de ces écoles britanniques qui sacralisent et rendent hommage aux générations précédentes.
 
Et surtout, dans ce cadre traditionnel, de la transmission, de l’héritage, ce film met en scène l’ambition et l’effort fournis par deux étudiants et athlètes qui courent aux Jeux olympiques de Paris en 1924 et qui, malgré les obstacles, la tradition, les interdictions, les écueils, se permettent par leur courage de devenir ce qu’ils voulaient être.

C’est ma vision de la FNUJA : le respect de la tradition, allié à l’audace et l’impertinence de la contestation.

« Louons nos hommes illustres et nos pères qui nous ont engendré. (…) Il suffit de fermer les yeux, pour se souvenir de ces quelques jeunes gens avec l’espoir au cœur et des ailes aux pieds. »
 

Axel Calvet