La réforme de la protection juridique a été adoptée le 8 février. Le texte devrait améliorer la possibilité de faire valoir les droits des personnes assurées devant la justice et clarifier les relations entre assureurs et avocats. Maître Jérôme Cayol, avocat au barreau de Paris et membre du Conseil national des barreaux nous livre son analyse.
« Il faut élargir le champ d’application de la protection juridique »
La réforme de la protection juridique a été adoptée le 8 février. Les avocats se félicitent d’avoir obtenu gain de cause face aux assureurs ? La bataille a-t-elle été difficile ?
Elle l’a été, effectivement. Mais j’ai été surpris par cette montée au créneau des assureurs car il ne s’agit pas d’une réforme majeure. Elle rend effectif un principe fondamental inscrit dans une directive du 22 juin 1987 et qui instaure le libre choix de l’avocat par l’assuré. La réforme met en ordre ce qui aurait dû l’être depuis longtemps.
Vous êtes donc satisfait ?
Nous sommes satisfaits, mais nous ne crions pas victoire trop vite. Pour que la réforme ait du poids, les avocats devront jouer le jeu en vérifiant si leurs clients ont souscrit ou non un contrat de protection juridique. Et les assureurs devront également jouer le jeu. La protection juridique est aujourd’hui intégrée à d’autres contrats, comme l’assurance auto ou l’assurance locative. Le résultat est que beaucoup d’assurés ignorent qu’ils sont protégés. Par ailleurs, ils sont souvent assurés plusieurs fois au travers de différents contrats. La protection juridique n’est pas aujourd’hui un véritable véhicule d’accès au droit. Les compagnies proposent des produits de masse, bas de gamme et peu chers. A elles de fabriquer des contrats de protection juridique spécifiques et d’étendre leur champ d’application. Certes, la majorité des litiges concerne le droit de la consommation. Mais la protection juridique pourrait aussi concerner le droit du travail, le droit social ou encore le droit de la famille. Les litiges dans ces domaines ont en effet des incidences beaucoup plus importantes dans la vie des gens.
Quelles sont, selon vous, les grandes avancées de la réforme pour les assurés ?
Ils auront désormais le livre de choix de leur avocat en cas de litige. La réforme apporte par ailleurs une meilleure définition du sinistre qui jusque-là était laissée à la libre appréciation de la compagnie. Nous avons enfin une définition précise, ce qui va limiter les refus de garantie. Autre grande avancée : jusqu’à présent, lorsqu’un assuré consultait un avocat car il ignorait qu’il avait une protection juridique, il était déchu de ses droits par la compagnies. Cette pratique ne sera plus possible. Enfin nous vivions dans un paradoxe : lorsque les tribunaux accordaient une somme au justiciable pour régler les honoraires de l’avocat a posteriori, le différentiel, si la somme était supérieure, revenait à la compagnie. Par exemple, si les frais d’honoraires de l’avocat s’élevaient à 1000 euros et que le tribunal accordait 1500 euros, les 500 euros supplémentaires étaient perçus par la compagnie du fait du sinistre. Désormais, cette somme reviendra à l’assuré s’il a lui-même engagé des frais.
Que répondez-vous aux assureurs qui dénoncent la réforme au prétexte qu’elle entraînera une augmentation des primes du fait de l’interdiction de la négociation des tarifs entre compagnies et avocat ?
Les primes sont aujourd’hui très basses. J’ai plutôt entendu les représentants des assurés qui réclamaient une meilleure protection juridique, quitte à payer un peu plus. Les assurés veulent une défense de qualité et non une protection juridique au rabais.
La réforme sonnerait aussi la fin des règlements à l’amiable du fait de l’obligation de recourir à un avocat si la partie adverse est défendue par un avocat. Qu’en pensez-vous ?
Cet argument n’est pas sérieux. Dans la plupart des litiges, rien ne va changer car le plus souvent la partie adverse ne fait pas appel à un avocat. Quand bien même les choses changeraient, cela ne signifie pas que le nombre de procès va augmenter. Il s’agit d’une vision archaïque de la profession d’avocat. Selon les compagnies, la présence d’un avocat signe la fin d’une transaction. Bien au contraire. L’intervention des avocats sert à faciliter les transactions. Il pourra notamment y avoir des négociations confidentielles, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Propos recueillis par Laure Kepes
« Il faut élargir le champ d’application de la protection juridique »
La réforme de la protection juridique a été adoptée le 8 février. Les avocats se félicitent d’avoir obtenu gain de cause face aux assureurs ? La bataille a-t-elle été difficile ?
Elle l’a été, effectivement. Mais j’ai été surpris par cette montée au créneau des assureurs car il ne s’agit pas d’une réforme majeure. Elle rend effectif un principe fondamental inscrit dans une directive du 22 juin 1987 et qui instaure le libre choix de l’avocat par l’assuré. La réforme met en ordre ce qui aurait dû l’être depuis longtemps.
Vous êtes donc satisfait ?
Nous sommes satisfaits, mais nous ne crions pas victoire trop vite. Pour que la réforme ait du poids, les avocats devront jouer le jeu en vérifiant si leurs clients ont souscrit ou non un contrat de protection juridique. Et les assureurs devront également jouer le jeu. La protection juridique est aujourd’hui intégrée à d’autres contrats, comme l’assurance auto ou l’assurance locative. Le résultat est que beaucoup d’assurés ignorent qu’ils sont protégés. Par ailleurs, ils sont souvent assurés plusieurs fois au travers de différents contrats. La protection juridique n’est pas aujourd’hui un véritable véhicule d’accès au droit. Les compagnies proposent des produits de masse, bas de gamme et peu chers. A elles de fabriquer des contrats de protection juridique spécifiques et d’étendre leur champ d’application. Certes, la majorité des litiges concerne le droit de la consommation. Mais la protection juridique pourrait aussi concerner le droit du travail, le droit social ou encore le droit de la famille. Les litiges dans ces domaines ont en effet des incidences beaucoup plus importantes dans la vie des gens.
Quelles sont, selon vous, les grandes avancées de la réforme pour les assurés ?
Ils auront désormais le livre de choix de leur avocat en cas de litige. La réforme apporte par ailleurs une meilleure définition du sinistre qui jusque-là était laissée à la libre appréciation de la compagnie. Nous avons enfin une définition précise, ce qui va limiter les refus de garantie. Autre grande avancée : jusqu’à présent, lorsqu’un assuré consultait un avocat car il ignorait qu’il avait une protection juridique, il était déchu de ses droits par la compagnies. Cette pratique ne sera plus possible. Enfin nous vivions dans un paradoxe : lorsque les tribunaux accordaient une somme au justiciable pour régler les honoraires de l’avocat a posteriori, le différentiel, si la somme était supérieure, revenait à la compagnie. Par exemple, si les frais d’honoraires de l’avocat s’élevaient à 1000 euros et que le tribunal accordait 1500 euros, les 500 euros supplémentaires étaient perçus par la compagnie du fait du sinistre. Désormais, cette somme reviendra à l’assuré s’il a lui-même engagé des frais.
Que répondez-vous aux assureurs qui dénoncent la réforme au prétexte qu’elle entraînera une augmentation des primes du fait de l’interdiction de la négociation des tarifs entre compagnies et avocat ?
Les primes sont aujourd’hui très basses. J’ai plutôt entendu les représentants des assurés qui réclamaient une meilleure protection juridique, quitte à payer un peu plus. Les assurés veulent une défense de qualité et non une protection juridique au rabais.
La réforme sonnerait aussi la fin des règlements à l’amiable du fait de l’obligation de recourir à un avocat si la partie adverse est défendue par un avocat. Qu’en pensez-vous ?
Cet argument n’est pas sérieux. Dans la plupart des litiges, rien ne va changer car le plus souvent la partie adverse ne fait pas appel à un avocat. Quand bien même les choses changeraient, cela ne signifie pas que le nombre de procès va augmenter. Il s’agit d’une vision archaïque de la profession d’avocat. Selon les compagnies, la présence d’un avocat signe la fin d’une transaction. Bien au contraire. L’intervention des avocats sert à faciliter les transactions. Il pourra notamment y avoir des négociations confidentielles, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Propos recueillis par Laure Kepes