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LILLE - Garde à Vue nouvelle version - Retour d'expérience



LILLE - Garde à Vue nouvelle version - Retour d'expérience



Vendredi 15 avril 2010 17h30 : appel du Bâtonnier Masson me demandant d’être renfort pour cette première nuit de GAV nouvelle formule. Acceptation immédiate ! La Profession s‘étant battue afin de faire évoluer le régime de la GAV dans le sens du respect des libertés fondamentales et de l’article 06 de la CEDH, il était impensable de ne pas expérimenter la révolution en marche !
Tous les Confrères sollicités ont, dans leur grande majorité, répondu présents.

Les Confères Lillois se sont montrés opérationnels dès la fin de l’après midi du vendredi 15 avril. Le Bâtonnier avait mis en place une réunion quelques jours plus tôt afin d’anticiper les bouleversements qu’engendreraient la réforme législative et surtout les arrêts attendus de l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation.

Concrètement, a été adaptée à la GARDE A VUE, l’organisation de la permanence Pénale et la permanence Droits des Etrangers telle qu’elle est pratiquée à Lille. Au cœur de cette organisation se trouve le Coordinateur qui centralise l’intégralité des appels de tout le ressort et de tous les commissariats et postes de gendarmeries. En droit des étrangers, la Coordination s’effectue sur une tranche hebdomadaire. S’agissant de la Garde à vue, la coordination s’effectue sur une tranche journalière de 24 heures de 08h à 08 heures le lendemain matin.

Nombre d’appels. Les coordinateurs peuvent recevoir entre 40 et 60 appels émanant de l’un des 30 lieux de garde à vue. Concrètement certains coordinateurs ne peuvent rien faire d’autre de leur journée étant constamment sollicités par voie téléphonique. La nuit le flux des appels ne tari pas. Le Bâtonnier également a pu expérimenter des nuits blanches de coordination ! Outre les appels reçus des services enquêteurs, les coordinateurs peuvent passer une centaine d’appels sur le temps d’astreinte.

Nombre de permanents : le système antérieur à LILLE mobilisait trois confrères sur la période de jour ( 08h-18h) et trois autres sur la période de nuit ( 18h- 08h), sur trois secteurs géographiques. La GAV nouvelle formule mobilise a minima huit avocats permanents et deux renforts sur une période de 24 heures. Il n’existe plus de secteur géographique et il n’est plus distingué selon que l’on intervient le jour ou la nuit.

Un même confrère pourra donc intervenir à Halluin (Douanes) Armentières, Hallennes lez Haubourdin et Roubaix ces villes étant toutes distantes d’une vingtaine de kilomètres.

L’Ordre est confronté à la difficulté de trouver chaque jour dix avocats volontaires. Cela mobilise un salarié de l’Ordre à raison de trois heures par jour. Dans la mesure où la G.A.V. nouvelle formule mobilise le Confrère également la nuit, certains Avocats se sont retirés des listes de la permanence. Les jeunes avocats sont bien évidemment sollicités. D’aucuns doivent décliner faute d’accord de leur avocat « collaborant ». A ce titre, on a pu déplorer de manière ponctuelle l’appel d’un confrère au coordinateur lui enjoignant de lui « rendre » immédiatement sa collaboratrice, de permanence garde à vue…

A ce jour, et malgré ces difficultés, aucun Confrère n’a manqué à l’appel et l’assistance des gardés à vue et des victimes a été constamment assurée.

Rapport avec les services enquêteurs. De manière générale, les OPJ et APJ se sont montrés étonnés de la réactivité du Barreau. Ils ne s’attendaient pas à ce que nous nous approprions immédiatement cette réforme.

S’agissant de l’accès au dossier, la tendance est à la communication à l’avocat des seuls PV de notification des droits ou au mieux des PV d’auditions du Gardé à vue. L’accès au PV d’audition de la victime m’a personnellement été refusé ainsi que le PV de saisine. L’accès intégral au dossier est exceptionnel et dépend du bon vouloir de l’enquêteur.

La qualité et la durée de l’entretien personnalisé avec le gardé à vue ou avec les victimes est variable. Il est très difficile d’avoir un entretien confidentiel avec les intéressés, les échanges se déroulant au mieux dans les couloirs. Certains enquêteurs refusent cet entretien lorsque la G.A.V. est prolongée et qu’intervient un nouvel avocat.

Certains enquêteurs recourent à la menace à la prolongation. Ils insistent auprès des gardés à vue en les dissuadant de se faire assister par un avocat, dont le retard supposé entrainera la prolongation de la garde à vue.

D’autres enquêteurs, ne tiennent pas compte des distances entre les différents lieux de garde à vue et commencent les auditions sans attendre l’avocat. Ils considèrent qu’un délai de 30 minutes entre l’appel au coordinateur et le début de l’interrogatoire ou de la confrontation est suffisant pour faire venir l’avocat. Passé ce délai ils débutent l’interrogatoire ou la confrontation.

A la Police Aux Frontières (PAF) de Lille, le rôle de l’avocat par la suppression du local d’entretien. Il faut transporter le gardé à vue dans les geôles du commissariat central distant de plusieurs centaines de mètres et revenir à la Paf. Cela décourage certaines Etrangers.

Les Douanes ont appliqué la réforme de la garde à vue à la rétention douanière et font appel désormais à l’avocat.

Dans l’ensemble, il n’y a pas de difficulté majeure à déplorer s’agissant des relations avec les services enquêteurs qui intègrent la présence active de l’avocat au cours de l’enquête. Les Confrères permanents rencontrant des difficultés formulent systématiquement des observations écrites. Des ajustements s’opéreront nécessairement.

Tous les Confrères qui sont intervenus dans le cadre de la cette Garde à vue nouvelle formule ont un point commun : ils se sont déplacés et ont exercé leur mission d’assistance des gardés à vues ou des victimes sans être rémunérés !

Ils n’ont pourtant pas été avares en temps ni énergie pour répondre immédiatement à la modification du régime de la garde à vue.

Depuis le 15 avril 2011, leur rémunération est suspendue à la décision de la Chancellerie.
Les Confères coordinateurs et permanents ont soigneusement recensés leurs interventions et surtout la durée de leur intervention. La révolution est là. L’avocat n’est plus contingenté à la durée de 30 minutes. Il peut être présent durant des heures, ainsi une consœur a passé 6 heures à la gendarmerie d’Hallenes lez Haubourdin.

Cette assistance et la qualité de la mission de l’avocat ont un coût qui ne saurait in fine être supportée par la Profession et moins encore par les Jeunes Avocats.

Je remercie spécialement Me L. FILLIEUX, B. MARCILLY, C. DELEHELLE, C. LECOINTRE, A. DHONTE, et F. JOUGLET pour leurs précieux témoignages et investissements ainsi que tous les Confrères Lillois en dépit de l’incertitude liée à leur rémunération exercent leur nouvelle mission d’assistance avec cœur.

Jeudi 26 Mai 2011
Maria-Rosa GARCIA, Présidente de l'UJA de LILLE