La contribution pour l'aide juridique de 35 euros « participe d'un mouvement latent : rendre de plus en plus compliqué l'accès au juge. Cette taxe met à mal le principe de gratuité d'accès au juge et c'est ce qui nous heurte ». C'est ce qu'affirme à AISG Stéphane Dhonte, président de la Fnuja (Fédération nationale des unions de jeunes avocats). Il souligne que « 35 euros est aujourd'hui le montant de base, mais il n'y a pas de raison que cette taxe ne soit pas réévaluée dans quelques années. Il s'agit donc d'une attaque du principe fondamental de libre accès à la justice ». Cette taxe qui est due par la partie qui introduit une instance en justice et qui doit servir au financement de l'intervention de l'avocat en garde à vue « est de nature à faire baisser les contentieux, car 35 euros représentent dans certains litiges quasiment la totalité de la somme réclamée », estime-t-il. Interrogé sur la réforme de la garde à vue, Stéphane Dhonte estime qu'il « y a eu assez peu d'incidents depuis sa mise en oeuvre » et que le taux d'élucidation n'a pas baissé.
AISG : La Fnuja a déposé le 14 novembre dernier une question prioritaire de constitutionnalité contre la contribution pour l'aide juridique de 35 euros. Que dénoncez-vous ?
Stéphane Dhonte : La loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 introduit une contribution pour l'aide juridique de 35 euros. Cette loi a pour objectif de trouver un financement complémentaire pour la garde à vue. On avait à l'époque proposé d'instaurer une taxe assise sur ce que doit verser la partie qui succombe en matière judiciaire et qui doit régler des frais de justice, mais également sur tous les actes soumis à enregistrement police d'assurance protection juridique. Cela permettait d'envisager une taxe de l'ordre de 7 euros pour parvenir à un budget équivalent, mais cette solution n'a pas été retenue. Cette contribution de 35 euros participe d'un mouvement latent : rendre de plus en plus compliqué l'accès au juge. Aujourd'hui, pour pouvoir parler à un juge, il faut payer. Cette taxe met à mal le principe de gratuité d'accès au juge et c'est ce qui nous heurte. Ceux qui sont soumis à l'aide juridictionnelle ne payent pas, mais ce sont les classes moyennes, ceux qui sont juste à la limite en fin de mois, qui devront payer pour voir trancher un litige avec un bailleur, un licenciement abusif, un conflit de voisinage… Par ailleurs, 35 euros est aujourd'hui le montant de base, mais il n'y a pas de raison que cette taxe ne soit pas réévaluée dans quelques années. Il s'agit donc d'une attaque du principe fondamental de libre accès à la justice.
Cette taxe crée par ailleurs des inégalités. Le financement de la garde à vue et de la justice en général doit être porté par un effort national. Or, on demande à ceux qui sont contraints de faire un procès de se soumettre à la taxe, alors que la justice est la chose de tous. Cet effort nécessaire ne doit pas être supporté que par quelques-uns. C'est comme si le financement de la sécurité sociale n'était financée que par les malades. De plus, cette taxe est de nature à faire baisser les contentieux, car 35 euros représentent dans certains litiges quasiment la totalité de la somme réclamée.
AISG : Quel bilan tirez-vous des premiers mois de mise en place de la réforme de la garde à vue ?
Stéphane Dhonte : Nous sommes ravis de cette réforme. Il y a eu assez peu d'incidents depuis sa mise en oeuvre. Même lorsque l'avocat demande à son client de faire valoir son droit au silence, cela n'est plus vécu par le policier comme une atteinte à son enquête. Le travail des policiers a été modifié, la présence de l'avocat les oblige à réunir des preuves avant de procéder à l'interrogatoire, mais les policiers sont peu à peu conscients qu'il peut y avoir un apport de l'avocat dans le cadre de l'enquête. Il n'est pas rare que la personne auditionnée « se libère » grâce à un travail fait avec son avocat qui met en avant dans un lien de confiance, l'absurdité de certaines dénégations préjudiciables au final aux intérêt du gardé à vue. De plus, la présence de l'avocat donne plus de valeurs aux déclarations qui sont faites par le gardé à vue et évite les contentieux d'hier nés de la réalité des propos du gardé à vue..
Il y a encore quelques problématiques, notamment parce que les contingences de l'enquête sont différentes de celles de gestion d'un cabinet d'avocat. Il est donc important que l'avocat soit prévenu en temps suffisant. Cependant, si la présence de l'avocat a bien entraîné un changement de pratique, la réforme n'a pas fait baisser les taux d'élucidation. Les enquêtes ont certes été ralenties au cours des trois premiers mois de mise en oeuvre de la réforme, car les policiers ont repoussé les délais pour approfondir leurs investigations et les transmettre à la justice, mais aujourd'hui tout est revenu dans l'ordre.
AISG : Les avocats n'ont pas aujourd'hui accès au dossier de leur client en garde à vue. Est-ce une réelle difficulté pour vous ?
Stéphane Dhonte : Sans accès au dossier, il est difficile pour l'avocat de ne pas suggérer que le seul système de défense possible est de se taire, car l'on ne sait pas quel argument de défense avancer sans savoir ce qu'il y a dans le dossier. Cela peut provoquer parfois des moments de friction. Il est également compliqué quand on n'a pas le PV d'audition de la victime d'assurer une défense pleine et entière par exemple. Il faut que l'avocat soit capable d'effectuer une défense pertinente pour faire jaillir la vérité.
AISG : Que pensez-vous de la proposition de directive européenne relative au droit à un avocat dans le cadre des procédures pénales ?
Stéphane Dhonte : Nous plaçons beaucoup d'espoirs dans cette directive. On y viendra certainement. Avant la mise en place de la réforme de la garde à vue, on nous expliquait que ce serait la catastrophe et finalement il n'y a aucune difficulté. Nous espérons qu'elle sera rapidement adoptée.
AISG : Le décret du 14 novembre 2011 précise les modalités de désignation des avocats par le bâtonnier pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme. Seuls les avocats inscrits au tableau des avocats depuis plus de cinq ans pourront figurer sur cette liste. Qu'en pensez-vous ?
Stéphane Dhonte : Ce décret revient à dire que les avocats inscrits depuis moins de cinq ans ne sont pas avocats, qu'en matière de terrorisme un jeune avocat n'a pas les compétences nécessaires. C'est inadmissible. On discrimine certains avocats. Il n'y a pas de texte du même type pour les juges par exemple. On ne dit pas au juge de ne pas travailler dans le domaine du terrorisme parce qu'il aurait moins de cinq ans d'expérience professionnelle. Soit on est avocat, soit on ne l'est pas. C'est une décision de défiance inadmissible vis-à-vis des avocats et en particulier des jeunes.