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MERCI

Mardi 25 Février 2014


Libre Propos d'Eric AZOULAY, Président d'Honneur de la FNUJA, à la suite de l'adoption de l'article 70 quater de la loi ALUR.


MERCI

Merci.

Merci à Madame DUFLOT d’avoir eu cette géniale idée de susciter une loi dite ALUR soit Accès au Logement et un Urbanisme Rénové, au nom prédestiné puisque son étrange article 70 quater a permis aux expert-comptables d’être autorisés à faire du droit à vitesse accélérée sans être flashés.

Merci à Monsieur AYRAULT de son appui pour permettre aux français d’accéder au droit en dotant le budget de l’aide juridictionnelle des sommes nécessaires à la juste rémunération des avocats et, maintenant, des expert-comptables, nouveaux professionnels du droit qui auront à cœur de travailler dans le secteur assisté du XXIème siècle.

Merci au gouvernement pour sa clairvoyance et sa lucidité car, mieux que quiconque, il a su mettre en valeur les compétences insoupçonnées des professionnels du chiffre en matière juridique, eux qui n’y sont formés que très partiellement, dont ce n’est nullement le cœur de métier, ce que nous constatons d’ailleurs souvent lorsque nous leur « succédons », notamment en matière sociale ou de droit des sociétés.

Merci au courage audacieux des parlementaires qui ont su braver le lobbying des expert-comptables et leur donner ce que la profession d’avocat a mis tant d’années à obtenir et faire reconnaître le 28 mars 2011 : l’acte d’avocat.

Merci à l’opportune non- intervention du Président de la République (c’est ça aussi le « pacte de responsabilité »), cautionnant ainsi ces errements qui, en vertu d’une nouvelle jurisprudence aux effets tant verticaux qu’horizontaux, pourrait bientôt permettre aux bouchers-charcutiers, dans le même esprit, de procéder à des interventions chirurgicales humaines pointues dans leurs arrière-boutiques.

Nous ne pouvons qu’être reconnaissants envers ceux qui vont devenir des icônes des professionnels du chiffre pour leur œuvre sûrement magistrale, ce que nous, avocats, n’avons pas su percevoir tant nous sommes naïfs et ignorants d’un avenir mêlant toutes les professions réglementées, sans distinction de domaines d’activité ou de compétences avérées.

Par courtoisie, je préfère taire l’image que ces « icônes » auront au sein de notre profession rétrograde et iconoclaste, au périmètre indéfiniment extensible sans que cette notion soit commutative.

Le chef de l’Etat déploie le tapis rouge aux patrons, français et étrangers, vantant leurs mérites et leurs compétences. Parallèlement, en n’intervenant pas sur l’article 70 quater de la loi ALUR, il valorise l’insécurité juridique considérant probablement que les avocats sont moins aptes à faire de la comptabilité, ce qu’ils ne demandaient pas, que les professionnels du chiffre à faire du droit.

Louons ce comportement précurseur consistant en un atypique mélange des genres puisque les professionnels réglementés pourraient maintenant empiéter sur leurs compétences respectives, certains étant cependant plus égaux et légitimes que d’autres à le faire.

Félicitons-nous de ce que l’interprofessionnalité, tant de capitaux que d’exercice, par l’effet magique du pouvoir exécutif (magical effect que le droit anglo-saxon ne connaît pas), n’ait plus besoin d’être pensée ou réfléchie puisque le chiffre fait maintenant du droit et n’a plus besoin des avocats.
Remercions les visionnaires à côté desquels Steve Jobs serait assimilé à un playmobile trépané, qui ont su deviner ce que personne n’aurait même osé imaginer il y a peu.

La formation juridique et judiciaire des avocats est gage, dans leurs matières, de compétences, garanties, assurance, déontologie rigoureuse, formation initiale et continue : autant de mots qui sonnent creux à l’oreille du législateur qui leur préfère l’exercice du droit à titre accessoire, même quand il ne l’est plus.

Reléguées au rang de discussions d’anciens combattants, les querelles avocats-notaires en deviennent anecdotiques, subalternes et accessoires tant l’atteinte faite à leurs compétences respectives est hallucinante.

Et puis, pour faire bonne mesure, cela ne gêne personne que l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945 soit tranquillement bafouée au détour d’un texte sur le logement ou que soit transgressé l’avis de l’Autorité de la Concurrence du 27 mai 2010 comme l’a opportunément rappelé le Président du CNB.

Sur le fond, personne n’est plus choqué notamment par le fait qu’une commune puisse être associée dans une SCI dans laquelle elle aurait préempté une cession de parts majoritaire :
* même si cette SCI possède des biens dispersés géographiquement en dehors de la commune qui préempterait,
* ou qu’elle fasse l’objet de poursuites, le cas échéant correctionnelles, mettant en cause les associés, dont la commune qui aura préempté !
Les maires se réservent de bons moments et apprendront, le cas échéant, la notion de comblement de passif qui ravira certainement leurs administrés.

L’Europe, au sein de laquelle la France a, jadis, joué un rôle majeur, n’a pas servi d’exemple en la matière. Non, notre pays se singularisera en agissant ainsi tel Indiana Jones découvrant l’Arche d’Alliance. Chacun se souvient de la fin du film…

Si un avocat veut devenir expert-comptable, il lui appartient de suivre le cursus nécessaire à cet effet. Si un expert-comptable voulait devenir avocat, ne serait-il pas logique qu’il fasse de même ?

En toutes choses, il faut savoir raison garder. N’y a-t-il donc personne d’élémentairement avisé pour sonner la fin de la récréation ?
Conseil Constitutionnel : les avocats t’aiment.

Eric AZOULAY
Président d’Honneur de la FNUJA