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Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats

QUESTIONS REPONSES A ALAIN GUIDI PRESIDENT FNUJA

«Un syndicalisme de combat pour une profession attaquée»

Lundi 30 Mai 2005

Alain GUIDI
Alain GUIDI
Quel a été votre parcours jusqu'à cette élection a la tête de la fédération le 7 mai dernier ?

Apres un bac B et des études de sciences économiques , je me suis ré-orienté vers le droit et j’ai obtenu une maîtrise de droit des affaires , puis un DEA de droit des affaires a l’Institut de droit des affaires d’Aix en Provence.

CFPA , CAPA j’ai intégré le barreau de Marseille en 1995 et très rapidement , je me suis intéressé aux problèmes relatifs à la profession et aux jeunes en particulier puisque j’ai été élu délégué du stage.

Puis l’UJA de Marseille jusqu'à la présidence .

L’UJA de Marseille étant une des UJA dynamiques au sein de la fédé , apres de nombreux comités , je me suis présenté au poste de trésorier jusqu'à la Présidence.

2 Quelle est votre conception de la FNUJA , quelle place a-t-elle ou devrait elle avoir dans la réprésentation des avocats en France ?

Je crois que depuis des années maintenant , la FNUJA joue son rôle celui d’un syndicat apolitique avec une volonté plus particulière de porter les revendications des jeunes avocats , notamment au titre du respect de notre contrat de collaboration.

Elle a aussi a cœur d’être présente dans tous les débats qui occupent la profession que ce soit pour les droits de l’homme ou pour le respect du périmètre du droit.

La FNUJA a depuis longtemps appelé a une représentation nationale qui est désormais reconnue , avec le Conseil National.

Certains pourraient croire que cette représentation est fragile mais je crois au contraire qu’elle puise sa légitimité et trouve son équilibre dans la diversité , des ordres représenté par la Conférence des Batônniers , du Barreau de Paris et des syndicats.

Quant a la FNUJA , l’actualité démontre qu’elle est indispensable pour faire entendre sa voix au sein du Conseil National qui en majorité est composé d’avocats installé et donc parfois éloigné des préoccupations des jeunes..

Quels sont les principaux axes de votre mandat ?

- les droits de l’hommes

Notre fédération peut s’enorgueillir d’avoir des confrères talentueux pour qui, les droits de l’homme ne sont pas des droits de « l’hommiste » et notre fédération autant que faire se peut interviendra parce que c’est sa vocation naturelle .

Le travail est immense tant on constate aujourd’hui la dérive des libertés.

Tout le monde le sait, deux faits ont généré cette évolution, d’une part les attentats du 11 septembre, d’autre part la bataille sur la sécurité.

Cette dernière, je vous le rappelle a démarré à la suite de la libération d’un présumé coupable dénommé BONNAL.

Il est pour le moins intéressant d’observer que ce même présumé coupable vient d’être acquitté par la Cour d’Assises de Nanterre pour les faits qui lui étaient reprochés lorsqu’il était détenu.

Vous le savez tous, il avait été déclaré coupable par les médias et pourtant, il s’agissait bien d’avoir libéré scandaleusement un innocent.

A la suite de cette affaire, le Parlement a voté à la quasi unanimité un certain nombre de mesures d’exception qui ne devaient être prises que pour une année et pour lutter contre la menace terroriste (perquisition de nuit, fouille des voitures, vérification d’identité des citoyens, restriction des garanties fondamentales).

La campagne sécuritaire permis que l’on y ajoute les infractions liées aux trafic d’armes et le trafic de stupéfiants.

Ces mesures ont été pérennisées par la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003 avant d’être généralisées et étendues par la loi PERBEN 2, du 9 mars 2004.

J’ai écrit cette année dans notre revue FNUJA INFOS un article intitulé « Liberté » en arguant notamment de la généralisation des fichiers et notamment du fichier des empreintes génétiques, mais aussi des fichiers STIC de police.

Le citoyen qui a peur , peut se sentir rassuré de cette surveillance généralisée de lEtat, mais ne faut-il pas oublier qu’il est aussi concerné par le Big Brother de 1984 ;

ce sont la les signes d’une société où au nom de la prévalence de l’insécurité le regard sur la liberté évolue !

Je rajouterai à cette constatation une réaffirmation forte des liens de subordination du parquet à l’exécutif.

Le Procureur devient alors un personnage très puissant dans l’action judiciaire avec des pouvoirs de coercition marqués, ce qui ne manque pas de poser la question de savoir si les Procureurs restent des Magistrats ?

Vous me pardonnerez mon emportement mais ce sont mes convictions qui parlent ; je suis persuadé qu’il manque une loi pour les innocents ou en tout cas une loi pour les droits de la défense.

La FNUJA sans avoir la prétention de faire bouger les choses d’elle-même toute seule ne sera pas absente de ce débat parce que ne rien dire , n’est ce pas tout accepter ?





Les interventions de l’avocat :

Notre justice est telle au point aujourd’hui qu’il faille pour désengorger les Tribunaux créer une sous catégorie de juges et forcer les gens à reconnaître leur culpabilité ?

Cette idée de désengorgement me révolte car cela revient à dire tout simplement que les justiciables n’ont pas vocation à se faire juger en nombre par des juges de qualité alors qu’il m’apparaît qu’il s’agit d’une fonction régalienne de l’Etat.

Faut-il désengorger les musées ?

Faut-il désengorger des hôpitaux ?

Alors le traitement de ce contentieux que j’assimile par l’analyse d’une gestion de flux va se faire pour partie à travers les Juges de Proximité.

La réforme n’est pas neutre car l’on pensait au début comme l’avait souligné le Conseil Supérieur de la Magistrature que ce contentieux serait limité aux petits litiges de 1 500 €.

Il vient d’être porté, avalisé en cela par ce même Conseil Constitutionnel au traitement de dossiers qui portent jusqu’à 4 000 €.

Dans notre société actuelle, il peut s’agir pour certains justiciables de plus 4 mois de salaire, ce qui ne va pas manquer d’entraîner un mécontentement judiciaire du traitement de ce dossier.

Bien sur devant cette juridiction , l’avocat n’est pas obligatoire , tant pis pour le plus démuni semble penser la chancellerie.

Pour autant, il me semble que nous avons l’opportunité enfin de revendiquer une loi favorable à nos intérêts.

Je trouve en effet ces derniers temps que nos organisations professionnelles et syndicales ont malheureusement été trop sur la défensive à la suite de l’avalanche de projets et de lois comme d’une actualité tout azimuts.

N’est-il pas temps de revendiquer, bref d’être à l’initiative de projets ?

Je souhaiterai que notre fédération étudie une revendication celle à mon avis légitime du monopole de représentation des avocats devant le Conseil de Prud’hommes à l’exception pourquoi pas , de délégués syndicaux mais aussi devant le Tribunal d’Instance et devant le Tribunal de Commerce.

Evidemment , j’entends la critique du corporatisme.

Ma philosophie de vie , c’est d’être a l’écoute des autres , et c’est par choix et c’est par passion que je suis devenu Avocat.

Mais a force de penser aux autres , nous laissons les autres professions s’occuper de nous.

Et puis cette critique ne résiste pas a l’examen.

Les plus démunis ont en effet accès à un avocat grâce à l’aide juridictionnelle.

Les autres personnes socialisées bénéficient dans leur quasi intégralité d’un contrat de protection juridique.

Cette revendication n’est pas que corporatiste, elle est aussi dans l’intérêt des justiciables.

Faire croire que l’on peut se heurter à une justice professionnelle, sans être assisté d’un avocat, relève d’une gageure.

Le justiciable seul dans un Tribunal, a tout simplement accès à un Magistrat sans avoir accès au droit.

Aujourd’hui 57% de Français ont peur de la justice, ce qui constitue un échec de notre démocratie et pourtant 85% de français interrogés se disent satisfaits de leur avocat et si les lenteurs de la justice contrairement à ce que pense Monsieur MAGENDIE n’étaient pas simplement dues au manque de moyen du budget de l’Etat affecté à ce ministère ?

La France compte moins de 8.000 Magistrats qui rendent chaque année plus de
1,6 millions de décisions civiles et traitent les 5.000 000 millions d’.affaires pénales transmises au parquet.

Quand on évoque les retards et les lenteurs de la justice, on oublie souvent de mentionner l’accroissement prodigieux du nombre des affaires qui lui sont soumises.

Seul un accès au droit pour un professionnel compétent permettra un traitement judicieux des contentieux en cours, le problème du budget de l’Etat reste un problème politique et non pas seulement d’organisation de notre justice.

- la class action

Notre fédération devra également se poser la question de savoir s’elle souhaite que la « class action » fasse partie de notre droit positif.

Vous le savez, cette procédure venant des Etats-Unis permet des actions judiciaires engagées par une personne ou un groupement de personnes, en vue d’obtenir un résultat qui profitera à une catégorie de personne notamment dans le domaine du droit de la consommation, de la santé ou de l’environnement.

Un certain nombre de barrières déontologiques doivent être franchies pour permettre le développement de ce type d’action qui devra avoir toutefois pour corollaire le ministère d’avocat.


La rémunération de l’Avocat :l’aide juridictionnelle.

Notre fédération cette année au travers de cette revendication aura à se pencher malheureusement et encore sur le dossier d’aide juridictionnelle.

Les justiciables défavorisés peuvent bénéficier de cette protection pour toutes les personnes, elles sont nombreuses dont les revenus sont inférieurs à 830 € mensuels.

750.000 personnes en 2003 en ont donc bénéficié.

700 € pour un divorce, 600 € pour une procédure devant le Prud’hommes malgré la revalorisation obtenue en 2000, ces montants sont inacceptables en, particulier après le passage à l’euro qui a entraîné une inflation galopante du coût de la vie.

Qui peut accepter de défendre un justiciable devant le Conseil de Prud’hommes pour 600 €, le système d’aide juridictionnel est à bout souffle.

Trois solutions s’offrent à nous, !

- faire en sorte qu’il meure petit à petit en exhortant les avocats refuser d’intervenir au titre de l’aide juridictionnelle,

- continuer à proposer un autre système alternatif par le biais d’un système d’assurance juridique systématique, sous réserves toutefois que l’état prenne ses responsabilités et joue son rôle de régulateur, en imposant avec les avocats une rémunération du professionnel qui soit ré-évaluable et fixée par une commission paritaire.

- Obtenir une réévaluation des unités de valeurs.

Je crois qu’il faudra réfléchir sérieusement à la seconde solution, tout en essayant d’obtenir une réévaluation des unités de valeur le temps que la réflexion aboutisse.

La collaboration

Enfin, je voulais vous parler de notre système de collaboration.

J’avais évoqué l’année dernière, ce que j’en pensais .

Une période forcément transitoire normalement rémunérée pendant laquelle le collaborateur doit non seulement se former mais pouvoir développer sa clientèle.

Durée transitoire au terme de laquelle, le collaborateur devra soit pourvoir s’installer soit pouvoir s’associer.

Il appartiendra à la FNUJA de proposer je crois un modèle type de contrat de collaboration qui devra servir de référence et dont les stipulations devront être intégrées au règlement intérieur unifié , car à trop attendre, c’est la Cour de Cassation qui va définir le statut du collaborateur libéral.
Quelle est aujourd’hui votre priorité ?

Un syndicalisme d’action et de combats pour une profession attaquée !

Comment percevez vous par ailleurs les difficultés que rencontre l’exercice des droits de la défense ?

C’est une dérive sécuritaire a la suite d’une précipitation législative .

La FNUJA avait attiré l’attention du public sur les dérives possibles de ces textes dont les débats parlementaires nous assuraient qu’ils ne concernaient en rien les droits de la défense ….

Plaider coupable , recul de la présence de l’avocat en garde a vue , écoutes téléphoniques indirectes , il est temps que nous obtenions un rééquilibrage des droits de la défense , sauf a ce que la Chancellerie considère que l’avocat est un complice et non plus un auxiliaire de justice !

La mobilisation de la profession fait plaisir a voir et je crois que le grand public nous comprend car quand les avocats manifestent c’est pour les individus en particulier et pour la démocratie en général.

Pour finir , quel message aimeriez vous délivrer aux jeuens avocats ? un message d’espoir ?

Bien sur .

Je veux dire qu’il faut croire en notre profession parce que nous l’avons choisi par passion , par vocation et que si notre profession est la croisée des chemins , je suis sur qu’elle en sortira grandi dans un monde en perpétuel besoin de droit.

« N’ayez pas peur a dit le pape. »

Ayons confiance ; l’avocat même malmené , n’est plus considéré comme l’ultime recours par le justiciable.

De défenseur de la veuve et de l’orphelin , il est devenu un prestataire de service exceptionnel bénéficiant toujours du secret professionnel , du maniement de ses fonds et d’une déontologie que tout le monde s’accorde a dire indispensable.

Mon message , il est celui d’un syndicalisme d’action et de combats , les seuls que l’on perd sont ceux qu’on a pas menés.

Alain GUIDI