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RAPPORT DE LA COMMISSION ACCES AU DROIT ET AIDE JURIDICTIONNELLE DE LA FNUJA

- COMITE DECENTRALISE A GRENOBLE (DEUX ALPES) - 15 JANVIER 2011 -

La FNUJA souhaite s’emparer de deux problématiques qui n’ont jamais été tranchées et qui ont d’ores et déjà été adoptées par les pouvoirs publics dans leur principes, mais pour lesquelles les détails de mise en œuvre ne sont pas encore définis.

- La suppression de la prise en charge par l’Etat du droit de plaidoirie d’un montant de 8,84 € pour les missions à l’aide juridictionnelle mise en place par la loi de finances 2011

- La désignation des Chefs de Cour en qualité d’ordonnateurs secondaires des fonds de l’aide juridictionnelle





RAPPORT DE LA COMMISSION ACCES AU DROIT ET AIDE JURIDICTIONNELLE DE LA FNUJA
1 – SUR LA SUPPRESSION DE LA PRISE EN CHARGE PAR L’ETAT DU DROIT DE PLAIDOIRIE POUR LES MISSIONS A L’AIDE JURIDICTIONNELLE

1 – 1 – Sur le fonctionnement antérieur à la réforme

Dans le cadre des procédures judiciaires hors contentieux prud’homal, de la sécurité sociale et électoral, l’avocat peut faire payer à son client le droit de plaidoirie (8,84 €) qu’il reverse ensuite à la CNBF.

Ce droit de plaidoirie vient financer le régime de retraite de base des avocats.

Dans le cadre des missions traitées par l’avocat au titre de l’aide juridictionnelle, le droit de plaidoirie est pris en charge par l’Etat quel que soit le taux d’aide juridictionnelle dont bénéficie le justiciable.



1 – 2 – Les termes de la réforme issue de la loi de finance pour 2011

L’article 41 de la loi de finances pour 2011 prévoit les modifications de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique de la manière suivante :

1° Le premier alinéa de l’article 40 est complété par les mots : « à l’exception des droits de plaidoirie » ;

2° Au premier alinéa de l’article 44, les mots : « d’amendes ou de condamnations pécuniaires » sont remplacés par les mots : « de créances étrangères à l’impôt et au domaine » ;

3° (nouveau) Le début du deuxième alinéa de l’article 50 est ainsi rédigé :
« Il est retiré, en tout … (le reste sans changement). » ;

4° (nouveau) L’article 51 est ainsi modifié :
a) Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Dans les cas mentionnés aux 1° et 2° de l’article 50, le retrait est prononcé par le… (le reste sans changement). »
b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l’aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l’aide juridictionnelle. »

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2011 et est applicable en Polynésie française.

III. – Au IV de l’article 1090 C du code général des impôts, le mot : « judiciaire » est remplacé par le mot : « juridictionnelle » et les mots : « d’amendes ou de condamnations pécuniaires » sont remplacés par les mots : « de créances étrangères à l’impôt et au domaine ».

IV. – L’article L. 723-4 du code de la sécurité sociale est abrogé.
Il résulte de la première disposition que l’Etat ne prendra plus en charge le droit de plaidoirie dans le cadre des missions de l’avocat à l’aide juridictionnelle.

Cela signifie que cette charge est reportée sur les clients.

Outre les questions que cela soulève, il faut s’interroger sur les objectifs poursuivis par les pouvoirs publics.


1 – 2 – 1 – les objectifs des pouvoirs publics motivant cette réforme


L’objectif avoué est de réduire les dépenses de participation de l’Etat à l’aide juridictionnelle et cette suppression aurait pour conséquence de permettre de réaliser une économie d’environ 5,2 M€ par an.

L’autre objectif poursuivi est de parvenir à une responsabilisation des justiciables qui, en devant payer une somme, ne bénéficieront plus d’un droit de tirage indéfini et limiter ainsi les procédures abusive et/ou dilatoire.

Ces objectifs affichés s’ils peuvent être compris sont néanmoins à nuancer dans la mesure où la loi de finance prévoit pour les procédures abusives ou dilatoires la possibilité pour la juridiction saisie de supprimer la totalité de l’aide juridictionnelle initialement accordée au justiciable.

Les procédures abusives et dilatoires peuvent également être sanctionnées par la condamnation à payer une amende civile (article 32-1 du code de procédure civile).

Concernant les économies à réaliser, l’objectif réel est plus vraisemblablement la nécessité de financer le nouveau dispositif de la garde à vue qui sera issue de la réforme à venir et dont on sait que le budget devrait s’élever à 80 M€.


1 – 2 – 2 – les questions soulevées par cette suppression

La suppression de la prise en charge induit plusieurs questions :

1 – 2 – 2 – 1 – le principe de l’accès au droit pour les plus démunis

En supprimant cette prise en charge ayant pour effet de reporter le paiement du droit de plaidoirie sur les justiciables, les pouvoirs publics mettent définitivement fin au principe de l’aide juridictionnelle totale notamment pour les plus démunis.

Certains domaines d’action devraient être exclus de ce dispositif et l’Etat devrait poursuivre sa prise en charge en ce qui concerne les victimes des actes les plus graves, les personnes percevant les minimas sociaux, les mineurs…, mais ces exceptions n’ont pas été encore définies.

Est sous tendue ici l’idée de responsabiliser les justiciables dans le cadre des actions en justice qu’ils peuvent engager.

Si cette idée de responsabilisation est intéressante, il n’en demeure pas moins que le moyen d’y parvenir ici adopté est de nature à mettre en péril l’accès au droit des plus démunis au prétexte que quelques uns abusent des procédure et des droits dont ils disposent en matière d’aide.

La responsabilisation des justiciables peut également être intéressante pour qu’il ne soit plus question d’un « avocat gratuit », notamment en matière pénale.

En effet, l’avocat n’est jamais gratuit et si les justiciables bénéficient de l’aide juridictionnelle et ne rémunèrent pas directement leur avocat, ils le payent via leur impôts ou les charges versées à l’Etat.
Un rappel dans ce sens est toujours opportun et n’est pas incompatible avec le principe d’un accès du plus grand nombre à une défense.

Les conditions du maintien de la prise en charge n’étant pas définies, il convient de prendre position sur ce point en rappelant l’attachement de la FNUJA à un accès au droit le plus large possible sans sanction des justiciables.


1 – 2 – 2 – 2 – la question du recouvrement du droit de plaidoirie

- les difficultés de recouvrement

Cette question présente une acuité particulière dans le cadre de la défense pénale d’urgence :

comment demander à un prévenu sortant de garde à vue, jugé en comparution immédiate et le cas échéant incarcéré suite au prononcé d’un mandat de dépôt qu’il verse à son avocat la somme de 8,84 € qui est à sa charge ?

Cette question n’a pas été tranchée et la seule réponse des pouvoirs publics lors des débats parlementaires a été de contourner le problème en rappelant que les avocats ont l’habitude de se faire payer notamment dans la cadre des aides juridictionnelles partielles.

Dans le cas où ils obtiennent gain de cause pour leur client, ce droit de plaidoirie sera payé par la partie adverse au titre des dépens.

Or, il est évident qu’il sera très difficile pour un avocat de se faire régler cette somme : elle peut sembler modique mais représenter une part important d’un budget très faible (RMI ou RSA), les modalités de règlement sont également à prendre en compte, comment se faire payer cette somme alors qu’elle est due en fin de procédure.

De telles dispositions marquent un manque de respect évident pour la profession d’avocat qui devra se faire payer cette somme dans des conditions plus qu’incertaine et qui devra la supporter s’il n’y parvient pas.

Les pouvoirs publics éludent volontairement la question de la défense pénale d’urgence qui conduira les avocats à ne pas pouvoir recouvrir cette somme et à devoir la verser à la CNBF sur leurs propres deniers.

Le résultat sera que les avocats financeront leur retraite via leurs cotisations mais également via le versement des droits de plaidoirie qu’ils n’auront pu se faire payer par leurs clients et qui seront nécessairement dus.

- l’application dans le temps :

L’application de ce texte est également très floue concernant la date d’entrée en vigueur et le sort des missions en cours : les missions en cours au 1er janvier 2011 devraient être réglées selon la loi antérieure et les missions commencées à compter du 1er janvier 2011 seront réglées selon les nouvelles dispositions.

En revanche, il semble que les missions commencées avant le 31 décembre 2010 pour lesquelles la date d’accomplissement des diligences ne figure pas sur l’attestation de fin de mission et pour lesquelles l’AFM sera délivrée postérieurement au 31 décembre 2010 seront réglées selon les nouvelles dispositions.

Cela signifie qu’un justiciable aura pu obtenir une aide juridictionnelle antérieurement au 1er janvier 2011 mais qu’il devra néanmoins s’acquitter du droit de plaidoirie auquel il n’était pas tenu au moment où l’aide lui était accordée.

Le principe de sécurité juridique si cher au Parquet pour s’opposer aux demandes de nullité des mesures de garde à vue ne trouve pas ici à s’appliquer.

Le principe de sécurité juridique devrait s’appliquer et la date à retenir pour déterminer la droit applicable devrait être celle à laquelle l’aide juridictionnelle a été accordée et non la date à laquelle l’attestation de fin de mission est délivrée.


- sur le moment du paiement du droit de plaidoirie

Comme son nom l’indique, le droit de plaidoirie est versé s’il y a plaidoirie.

Cela signifie qu’il est délicat de solliciter du client le versement de ce droit avant toutes diligences dans la mesure où il est possible qu’aucune plaidoirie n’ait lieu dans le cadre du dossier considéré.
Comment donc justifier le paiement de ce droit en début de dossier.

Comment par la suite solliciter du client qu’il paye ce droit alors que le dossier est arrivé à son terme et que le client peut alors opposer un refus qui conduira l’avocat, comme vu précédemment, à prendre en charge lui-même ce droit.

Il convient ici de faire des propositions quant aux conditions dans lesquelles le droit de plaidoirie sera versé à l’avocat par son client.

Ce droit de plaidoirie doit être versé avant l’accomplissement de toute diligence, condition requise de toute action, ce désengagement de l’Etat doit être écarté dans le cadre de la défense pénale d’urgence (comparution immédiate) : soit l’Etat prend en charge le droit de plaidoirie, soit le droit de plaidoirie dans ce cadre ne sera pas dû à la CNBF.

La FNUJA devrait se positionner dans ce sens


1 – 2 – 2 – 3 – la question de la remise en cause des sources de financement du régime de retraite de base des avocats

Le droit de plaidoirie est versé à la CNBF et est destiné au financement du régime de retraite de base des avocats.

Si une part importante de ce financement disparaît en raison du non paiement par les justiciables, une part du financement du régime de retraite risque de se trouver menacer.

Il semble que la part du droit de plaidoirie représente 3,6% du total des sources de financement du régime de retraite et que par conséquent la fin de la prise en charge par l’état de ce financement au titre de l’aide juridictionnelle ne constitue pas un risque trop important pour le régime général de retraite.

Il faut néanmoins rappeler aux pouvoirs publics quelle est la destination du droit de plaidoirie et que, outre le fait que les avocats participent de manière active à l’accès au droit par les missions qu’ils accomplissent, ils ne sauraient supporter un quelconque risque sur leur régime de retraite de base.
La FNUJA devra se positionner dans ce sens.


1 - 2 – 2 – 4 – la remise en cause de la nature de l’indemnisation versée aux avocats au titre de l’aide juridictionnelle

Lorsqu’ils interviennent au titre de l’aide juridictionnelle, les avocats accomplissent une mission de service public (défense d’un client dans le cadre de la défense pénale d’urgence, participation à l’accès au droit…), ce qui conduit à se poser la question de la nature de l’indemnité alors versée à l’avocat : est-ce un honoraire ou doit-elle être qualifiée de traitement ?
Cela conduit à se poser également la question des interventions en pro bono et des pools d’avocats agissant à l’aide juridictionnelle.

2 – SUR LA DESIGNATION DES CHEFS DE COUR EN QUALITE D'ORDONNATEURS SECONDAIRES DES FONDS DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE.

Le décret n° 2008 – 522 du 2 juin 2008 et celui du 23 décembre 2010 ont modifié l’article R 312-66 du code de l’organisation judiciaire lequel dispose désormais :

« Le premier président de la cour d'appel et le procureur général près cette cour sont institués conjointement ordonnateurs secondaires des dépenses et des recettes des juridictions de leur ressort relatives au personnel, au fonctionnement et aux interventions.

S'agissant des investissements et des études qui leur sont afférentes, ils sont ordonnateurs secondaires :

1° Pour les dépenses et les recettes se rapportant aux opérations mobilières ;
2° En matière immobilière, pour les dépenses et les recettes se rapportant aux opérations d'investissement dont le montant est inférieur à un seuil fixé par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé du budget.

Ils peuvent déléguer conjointement leur signature, sous leur responsabilité, aux magistrats ou agents en fonction dans le ressort de la cour d'appel.
»

Il en résulte une déconcentration de la gestion des fonds de l’aide juridictionnelle notamment : les fonds seront versées pas le ministère aux SAR (services administratifs régionaux) qui les verseront à leur tour aux CARPA.

Les chefs de Cour sont érigés en ordonnateurs secondaires et il existe un risque pour que les fonds ne soient plus versés entre les mains des CARPA chargés de la liquidation des dotations, mais ce versement n’a à ce jour pas été remis en cause.

L’objectif est de mettre le système en conformité avec les contraintes des POLES CHORUS.
CHORUS est un progiciel mis en place par les pouvoirs publics afin de répondre aux contraintes de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances).

En effet, la LOLF impose à l’Etat une gestion non plus par ministère mais par poste de mission lesquels peuvent concerner plusieurs ministères.

Il s’agit également de présenter une comptabilité publique plus transparente.

Le système CHORUS n’est pour autant pas exempt de critiques dans la mesure où sa mise en place, sur plusieurs années, a coûté beaucoup plus cher que prévu (quasiment le double pour un budget prévisionnel de 500 M€) et où il a occasionné des retards très importants dans le traitement des factures et des règlements à effectuer (à voir notamment les commentaires sur les retards de règlements des fournisseurs du ministère de la défense s’élevant à plusieurs M€ et mettant en danger de nombreuses entreprises).

Les POLES CHORUS doivent fonctionner de la manière suivante :

RAPPORT DE LA COMMISSION ACCES AU DROIT ET AIDE JURIDICTIONNELLE DE LA FNUJA

Dans le système envisagé, le versement aux CARPA n’est pas supprimé, ce qui constitue une garantie pour les avocats de voir l’aide juridictionnelle payée dans les conditions connues à ce jour.

Il n’en demeure pas moins que les CARPA ont pu s’émouvoir de ce changement dans la mesure où ce pouvoir détenu désormais par les chefs de Cour représente un pouvoir politique qui peut s’avérer pouvoir de nuisance en cas de difficultés rencontrées avec les Barreaux.

C’est pourquoi l’UNCA, lors de sa rencontre récente avec le ministère a fait part des réserves soulevées quant à la situation financière de l’Etat mais également quant à la technicité de la gestion de ces crédits qui ne pourrait être prise en charge par les SAR.

La profession n’a pas été consultée sur cette déconcentration et la FNUJA pourrait prendre position sur la question en rappelant l’attachement de la profession à la gestion des crédits de l’aide juridictionnelle par les CARPA et ses craintes quant à une gestion directe par les SAR.

En effet, les chefs de Cour pourraient être tentés de verser les fonds non plus entre les mains des CARPA mais entre les mains de la CDC, ce qui constituerait un recul indéniable quant aux conditions dans lesquelles les missions à l’aide juridictionnelle sont réglées aux avocats.



3 – SUR LA MODIFICATION DU TAUX DE TVA APPLICABLE AUX MISSIONS EFFECTUEES A L’AIDE JURIDICTIONNELLE.


La loi de finance rectificative adoptée le 29 décembre 2010 (texte n°2010-1658) prévoit l’abrogation de l’alinéa f de l’article 279 du code général des impôts qui prévoyait un taux de TVA réduit à 5,5 % pour les missions effectuées par les avocats au titre de l’aide juridictionnelle.

Cette abrogation fait suite à la condamnation de l’Etat français le 17 juin 2010 aux termes d’un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne précisant que l’application d’un taux de TVA réduit pour les missions accomplies par les avocats à l’aide juridictionnelle n’est pas conforme au droit européen.

En pratique, la règle du taux normal de TVA s’appliquera pour les missions achevées à compter de l’entrée en vigueur de la loi de finances 2011, c'est-à-dire accomplies à compter du 1er janvier prochain comme date de la prestation.

En conséquence, toutes les affaires dont la date d’accomplissement est antérieure au 1er janvier 2011, et remises au paiement postérieurement, seront réglées sur la base du taux de TVA réduit de 5.5%.

Toutefois, dans le cas où la date d’accomplissement de la mission ne serait pas portée sur l’attestation de fin de mission, la date prise en compte sera celle de la délivrance de l’imprimé.

Ainsi, en ce qui concerne les barreaux de métropole, le taux sera de 19.6% contre 5.5% actuellement.
Ces nouvelles dispositions fiscales ont notamment une incidence sur les missions accomplies à l’aide juridictionnelle partielle, les justiciables ayant pas définition des revenus modestes devant payer un surplus relatif à la TVA qu’ils ne pourront bien évidemment pas récupérer.

Les conditions d’application de ce nouveau texte sont d’autant plus injustes qu’un justiciable peut se voir attribuer l’aide juridictionnelle partielle le 30 décembre 2010 avec un taux de TVA réduit et devoir finalement payer une TVA à 19,6% car aucune diligence n’aura pu être accomplie avant le 31 décembre 2010.

Cette exigence européenne montre une fois encore les conséquences perverses du droit communautaire et de la dérèglementation.
Lundi 24 Janvier 2011
Fabienne LACOSTE