FNUJA
FNUJA
FNUJA | Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats
Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats

« Réforme » de la procédure d’appel par le Décret du 29 décembre 2023 – Tout ça pour ça ?

Mardi 23 Janvier 2024

Le Décret réformant la procédure d’appel a été adopté le 29 décembre 2023[1]. Si l’objectif poursuivi – et annoncé par le Garde des Sceaux – était celui d’une simplification de la procédure d’appel en matière civile, force est de constater qu’il n’est pas rempli. De l’ambition affichée qui était de desserrer les délais, notamment afin d’en assouplir la rigidité, émane un texte qui ne répond clairement pas aux attentes de la profession.

Ce texte sera rendu applicable aux instances d’appel initiées à compter du 1er septembre 2024[2].

Si l’optimisme n’est pas de mise à la lecture du texte, il est encore trop tôt pour sombrer dans le pessimisme le plus total : certes, nombre de modifications n’emporteront pas la conviction du lecteur attentif, mais à leurs côtés figurent quelques – maigres – avancées auxquelles il convient de laisser leur chance, avant de juger qu’elles ne permettront ni la simplification affirmée, ni l’assouplissement souhaité.

Dans le détail, le Décret réorganise les textes applicables à la procédure d’appel ordinaire avec représentation obligatoire (1), renforce le formalisme applicable à la déclaration d’appel (2), allonge le délai d’une procède qui n’a plus grand-chose de bref (3), clarifie le rôle du conseiller de la mise en état (4), et autorise timidement un desserrement des délais (5). Enfin, ce Décret prévoit la possibilité pour possibilité pour les parties de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état, ce qui constitue l’avancée majeure de ce Décret (6).
 
  1. Sur la réorganisation des textes
 
Les textes applicables à la procédure d’appel ordinaire avec représentation obligatoire, tels que nous les connaissions, figuraient au sein d’une unique sous-section, ne connaissant elle-même aucune subdivision.
 
Le décret présente le mérite d’établir des subdivisions, et par là-même, de mieux organiser les textes selon qu’ils concernent d’une part, les dispositions communes à la déclaration d’appel, à la constitution d’Avocat, ou à l’orientation de l’affaire, d’autre part, la procédure à bref délai ou la procédure avec mise en état
 
  1. Sur la déclaration d’appel
 
Le nouveau texte impose désormais clairement que soit mentionné dans le corps de la déclaration d’appel « l’objet de l’appel », en ce qu’il tend soit à l’infirmation soir à l’annulation du jugement entrepris. Cet ajout semble répondre à la position récente de la Cour de cassation, selon laquelle il n’existait pas d’obligation de mentionner qu’il est demandé l’infirmation des chefs de jugement expressément critiqués[3], en lui rétorquant qu’il en existera désormais une. Cela parait évidemment regrettable, la critique d’un chef de jugement impliquant nécessairement le souhait de le voir infirmé.
 
Il convient, à ce titre, de préciser que l’article 954 impose également ce formalisme aux conclusions, qui devront donc désormais comporter expressément qu’il est sollicité l’infirmation ou l’annulation de la décision entreprise.
 
Le Décret concède toutefois un allégement du formalisme concernant les chefs du jugement critiqués. S’ils doivent toujours être mentionnés dans la déclaration d’appel, il sera désormais possible de les compléter, d’en retrancher ou de les rectifier dans le dispositif des premières conclusions, la Cour se trouvant saisie des chefs du jugement critiqué figurant dans les premières conclusions de l’appelant.
 
Cette avancée doit être saluée, tant en ce qu’elle atténue le formalisme de la déclaration d’appel, qu’en ce qu’elle rend à chaque étape sa juste place. En elle-même, la déclaration d’appel est d’un effet très limité sur l’intimé. Ce sont les conclusions de l’appelant qui, au-delà de faire courir le délai de réplique de l’intimé, cadrent réellement le débat. L’oubli d’un chef de jugement dans la déclaration d’appel, suivi d’une réintégration dans les conclusions de l’appelant, n’ont pas d’incidence sur l’intimé, alors qu’ils offrent un filet de sécurité appréciable à l’appelant.
 
  1. Sur la procédure à bref délai
 
La procédure à bref délai sera désormais régie par les articles 906 et suivants du Code de procédure civile (906 à 906-5).
 
L’appelant demeure ainsi tenu de faire signifier sa déclaration d’appel à l’intimé, sous peine d’encourir la caducité de la déclaration d’appel, dans un délai qui court à compter de l’avis de fixation à bref délai. Ce délai était de 10 jours, il sera désormais de 20 jours.
 
L’intérêt du maintien de cette obligation de signification de la déclaration d’appel peut être questionné, le seul délai qu’elle fasse courir pour l’intimé étant l’obligation de constituer avocat. Il eut sans doute été plus opportun de reporter cette obligation à la signification des premières conclusions de l’appelant, la notification de celles-ci étant le point de départ du délai accordé à l’intimé pour notifier ses propres conclusions.
 
S’agissant des délais pour conclure, qui étaient d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation à bref délai pour l’appelant, puis d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour l’intimé, ils sont allongés à deux mois.
 
Là encore, l’intérêt d’une telle extension peut interroger, en ce qu’elle va immanquablement rapprocher, au moins pour les premières écritures, le calendrier du bref délai du calendrier de la procédure avec mise en état. En effet, entre deux mois à compter de l’avis de fixation à bref délai qui, dans le meilleur des cas, interviendra quelques jours après l’enregistrement de la déclaration d’appel, et trois mois à compter de cette dernière, la marge risque de devenir particulièrement fine.
 
  1. Sur la procédure avec mise en état
 
Les articles 907 et suivants ne sont pas modifiés en substance, mais sont désormais structurés au sein d’un plan qui en améliore l’intelligibilité.
 
Les attributions du conseiller de la mise en état sont explicitées, au sein des articles 912 et suivants. L’effort d’autonomisation, par la suppression des renvois vers les articles relatifs au juge de la mise en état, peut être salué.
 
  1. Sur les délais
 
Le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président, dans le cadre du bref délai, et le conseiller de la mise en état, dans le cadre de la procédure avec mise état, pourront désormais – d’office ou à la demande d’une partie - allonger ou réduire les délais impartis à l’appelant et à l’intimé pour notifier leurs conclusions[4].
 
Si ce desserrement possible des délais constitue une avancée qu’il convient de saluer, il convient toutefois d’attendre quelque peu avant de faire preuve d’un optimisme débordant. Tout d’abord, nous ignorons encore les critères qui pourraient convaincre de la nécessité d’un allongement des délais. Ensuite, l’obtention d’un tel allongement fera nécessairement l’objet d’une demande, dont l’argumentation ne devra pas devenir plus contraignante que le travail attendu au fond. Enfin – et surtout – les sanctions demeurent. L’allongement des délais est une mesure exclusivement préventive, et ne pourra pallier l’éventuel dépassement d’un délai qui n’aurait pas été préalablement allongé.
 
  1. Sur l’introduction de la possibilité de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état
 
La véritable innovation du Décret figure dans le futur article 915-3, dont le second alinéa précise que les délais prévus par les textes pour conclure et pour former appel incident ou provoqué seront suspendu « Lorsqu'il (sera) justifié de la conclusion d'une convention de procédure participative aux fins de mise en état entre tous les avocats constitués. L'interruption produit ses effets jusqu'à l'information donnée, par la partie la plus diligente, au président de la chambre saisie, au magistrat désigné par le premier président en application du premier alinéa de l'article 906-1 ou au conseiller de la mise en état, de l'extinction de la procédure participative ».
 
Il s’agit là d’un outil qui permettra de desserrer les délais de la procédure d’appel, dont il appartiendra aux avocats de se saisir, afin de démontrer leur capacité à s’entendre sur ce point, et leur aptitude à faire avancer le litige, afin d’obtenir une décision dans un délai raisonnable, ce dans l’intérêt des parties.
 
 

[1] Décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d'appel en matière civile, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048735106.
[2] NDLR : en ce compris les instances consécutives à un renvoi après cassation introduites à compter de cette date.
[3] Cass. 2e civ., 25 mai 2023, n°21-15.842.
[4] Article 906-2 al. 6 pour la procédure à bref délai, article 911 al. 3 pour la procédure avec mise en état.

La commission Droit civil et procédure